Souffle de vie

J’ai longtemps hésité à écrire à la première personne, car mes amis, amies, lecteurs et lectrices projettent souvent les ressentis, les émotions de mes personnages sur ma modeste personne !
Alors oui, j’avoue, de temps en temps, il y a une part de vrai dans mes textes : je pars d’une anecdote réelle et je brode, ou tel personnage discourt sur mes idées, exprime mon avis… Mais souvent, rien n’est vrai, tout est issu de mon imagination, de mes fantasmes, de mon envie de jouer avec les mots et les situations !
Je préfère la troisième personnes en général et la pluralité de ses possibilités ^^ Mais parfois la première personne est plus forte, plus impliquante, annule la distance entre l’autrice et son lecteur ou sa lectrice. On se parle directement, cœur à cœur, cerveau à cerveau, avec nos tripes… (bon, là ce sont mes fantasmes d’autrice ^^ Tout est fantasme, tout le temps !)

Ces précautions oratoires étant prises (pas d’inquiétude, je vais très bien), je choisis le «je», pour évoquer une pratique que j’aime beaucoup (avec modération cependant), le breath play et ses multiples facettes, chacune très inspirante : jeu bdsm, sport (plongée en apnée), pratique méditative, med play (les radiologues !), et, dans mon récit, moyen de consolation.

(pratique risquée, bien se renseigner).

***

Un poids oppresse ma poitrine, presse mon cœur, m’empêche de respirer librement. Je manque d’air, le cœur dans un étau, serré, broyé, brisé. J’ai beau tenter de respirer, d’inspirer, l’air ne pénètre jamais suffisamment dans mes poumons, je suffoque, j’étouffe. Je voudrais me taillader les chairs, m’arracher la peau, soulager ma souffrance, l’effacer en la remplacer par une autre, pire encore.
Ce qui me fait mal n’existe pas. Il ne s’agit pas d’une chute, d’une coupure…
Ce qui me fait mal est psychologique, inguérissable. Tellement banal : un chagrin d’amour. Comment les émotions peuvent-elles se révéler aussi douloureuses, s’incarner dans notre corps, le couper en deux, anéantir notre sommeil, notre appétit, nos envies…

Le manque me tord le cœur, le déchire, encore et encore, sans fin… Pour supporter l’insupportable, je respire entre mes mains, je m’asphyxie peu à peu. Je m’empêche de respirer, je plaque ma main sur ma bouche, je pince mon nez entre mes doigts, et j’oublie tout, je m’oublie. Le temps s’arrête avec ma respiration, je me laisser couler, je sombre dans l’inconscience.
Bientôt je manque d’air, et ce manque-là surpasse tout, écrase le manque que je ressens dans mon cœur ; il s’est évanoui, il ne reste que l’instinct de survie. J’enlève ma main, j’avale une grande goulée d’air frais, je respire, soulagée et heureuse, ivre de cet air qui s’engouffre dans mes poumons à toute allure. Cette gorgée d’air est un pur bonheur, c’est la vie même, délicieuse, riche… Je respire à plein poumons, je jouis de la vie, de me sentir bien vivante, j’en profite car bientôt, le manque va bientôt se faire sentir à nouveau, me grignoter le cœur, jusqu’à le dévorer vivant, et je n’aurai de salut qu’en étant à bout de souffle…

Mourir pour ressusciter, aussi longtemps qu’il le faudra, jusqu’à ce que la joie de vivre remplace pour de bon le manque de lui, cette souffrance de l’absence qui brûle ma poitrine, une brûlure qui s’étend, paralysante, parcourue de coups de poignards, de chocs électriques qui me transpercent de part en part. Je n’ai plus qu’à m’allonger, me recroqueviller sur mon lit, et souffrir du manque comme une bête, me tordant de douleur comme une droguée qui n’a pas eu sa dose, abîmée dans mes pensées les plus noires ; à quoi bon continuer sans lui.

Impossible de lutter contre cette douleur, cela ne sert à rien, je fais comme avec mes migraines. Je me détends, je m’offre à cette souffrance qui se rue sur moi, j’accepte que le manque envahisse toutes les cellules de mon corps, me submerge, déborde, et me fasse pleurer toutes les larmes de mon corps, espérant qu’il relâche ses griffes, se lasse et m’abandonne. Chaque larme me rapproche du soulagement, de la guérison.
En attendant, la moindre parcelle de mon corps flambe, je suis en feu, je voudrais en finir. Et pourtant, il suffit que je fasse mine d’attenter à ma vie en me privant quelques secondes d’oxygène, pour retrouver le goût de vivre intact et plus fort que tout. Il finira par vaincre mon chagrin, c’est seulement une question de temps. Il faut juste que le temps passe, il n’y a pas d’autres solutions. Et supporter de penser à lui, qu’il me hante, tout le temps, même en m’efforçant de me changer les idées, en m’accrochant à l’idée que cela va passer – car tout passe. Continuer à me disperser, m’étourdir de distractions, le plus intensément possible. Et m’empêcher de respirer quand la souffrance redevient trop vive.
Un jour le miracle s’accomplira, je respirerai mieux, enfin, et je m’apercevrai que je pense moins à lui. De moins en moins.
Plus du tout.
Mais pour l’instant, je suis dans la nuit totale, enfermée dans le noir, à me débattre avec mes pensées envahissantes, et ces monstres qui me dévorent vivante de l’intérieur, accrochée à mon souffle coupé comme à une planche de salut.

Photo: Ludivine photographe aquatique. Retirée sur simple demande.

2 commentaires

  1. Michel a écrit :

    Puis-je dire que j’ai le souffle coupé devant une telle évocation ?
    J’ai beau savoir que ce sont des fantasmes que vous exprimez, je ressens bien cette souffrance quand un seul être vous manque !
    Aujourd’hui, je ne vais pas me lamenter, nous fêtons,en toute discrétion et intimité nos quarante-quatre années de mariage et bien plus encore d’années de vie commune.
    Mais oui, un manque, qui viendra un jour, me laissera dans cet état de souffrance de la disparition de l’être aimé, à moins que ce soit l’inverse, qui peut le savoir ?

    1. a écrit :

      Merci Michel ! Oui, terrible ce manque qui peut parfois s’emparer de nous et nous étouffer… Félicitations pour vos 44 années de mariage ! Il ne faut pas trop songer à l’avenir lointain je pense, et nous réjouir du bonheur présent 🙂

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