Nouveau départ

J’ai écrit des petites histoires pendant mes vacances détox sans wifi, sans ordinateur, sans télé ^^ (bon, un peu de téléphone quand même !) ; juste la nature environnante, et l’histoire de France. Je vais les publier par ici au fil de l’eau.

***

Elle s’installe dans la voiture, boudeuse.
— Allons, l’encourage son compagnon, ça va nous faire du bien de quitter la ville, de nous ressourcer à la campagne, histoire de nous détendre…
Elle se renfonce dans son siège, butée, le regard tourné vers le paysage sans le voir. En surimpression s’impose le corps de son amant, la courbe de son dos et le rebondi de ses fesses quand il s’allonge sur le ventre, et, résigné s’offre à ses légères caresses, ses griffures parfois. L’image se brouille, effacée par réalité, la campagne ennuyeuse et verdoyante à perte de vue, parsemée ça et là de buissons et de clochers.
— Une escapade en amoureux, pour nous retrouver juste tous les deux, renchérit son chéri, espérant la réconforter.
Il se concentre sur la route, soulagé de s’arracher à la grisaille de Paris, et de reposer déjà ses yeux clairs avec le vert printanier des forêts qui bordent les routes. Mieux vaut laisser sa chérie tranquille, elle se montre grognon dès qu’on l’arrache à sa vie trépidante et ses rendez-vous mondains.

Mais pourquoi ai-je accepté ? se lamente-t-elle en secret. J’ai voulu lui faire plaisir sur le moment, et maintenant, je suis prise au piège.
Elle regrette déjà le bruit et l’agitation de la capitale, ses copines hystériques et snobs, ses amis dédaigneux, si drôles, les fêtes à paillettes, les vernissages au champagne… Dire qu’elle a quitté tout ça pour… rien ! Elle voudrait faire demi-tour, rentrer, sortir s’étourdir de rencontres. Son regard erre sur le paysage qui défile. Ils traversent des villages fleuris, des forêts touffues, des champs jaune fluo…
— Du colza, annonce l’homme, qui ne peut s’empêcher de jouer à Wikipedia en live.
Elle pouffe de rire avant de se mordre les lèvres — elle n’a jamais réussi à bouder longtemps. L’homme, beau joueur, se met à rire lui aussi, ravi de voir sa chérie glousser, même si c’est à ses dépens. Elle met la radio pour dissiper ce début de complicité, encore contrariée. David Bowie, pense l’homme, mais il réussit à se retenir cette fois ; les temps ne sont pas tendres envers les hommes qui la ramènent, ne serait-ce que d’un mot. Elle finit par s’intéresser : le vert tendre des feuilles, les églises pittoresques, la rivière tumultueuse…
— Le cher, lâche l’homme, avant de se maudire une fois de plus.
Attendrie, elle considère son chéri, dernier homme sur terre le temps des vacances. Si patient, aux petits soins, indulgent pour ses frasques, ses absences et ses nuits blanches… Les rayons du soleil éclairent son visage, font briller les poils blonds de ses bras. Il plisse les yeux, ébloui ; il a encore oublié ses lunettes de soleil. Il ne quitte pas la route des yeux, mais il sourit. Il se sent regardé et se redresse, tâchant de prendre une pose avantageuse, une seule main sur le volant, négligemment. Trop mignon ! Elle se souvient de leurs roads trip, jeunes. Des heures à rouler au hasard, musique à fond, tandis qu’elle caressait sa cuisse, s’aventurait entre ses jambes, au mépris des règles de la sécurité routière. Sa main s’élance toute seule à l’évocation de ce souvenir et se pose sur sa cuisse.
Ils se retrouvent aussitôt transportés 15 ans en arrière comme par magie. Tout est oublié, les copines, les amis et les amants exceptionnels, les fêtes enivrantes… Il n’y a plus qu’eux et cette route qui serpente à travers la campagne à l’infini. Ils roulent depuis toujours, tout le reste s’est enfoncé dans la brume des souvenirs. Pourquoi voulait-elle rentrer déjà ? Elle ne sait plus… ils sont si bien, là, ensemble, dans cet abri clos, avec l’environnement qui change en permanence autour d’eux.

Il gare la voiture au milieu de nulle part.
— On est arrivés !
Elle descend, légèrement anxieuse, impressionnée par le silence du crépuscule. Aucune trace de civilisation, une prairie bordée d’une forêt. Les étoiles apparaissent, une par une, et puis par milliers. Elle frissonne, la nuit s’illumine d’infimes lueurs, elle devient magnifique et glacée. Des oiseaux de nuits s’ébrouent et chantent. La nature lui paraît immense, écrasante et belle. Elle se blottit contre son homme.
— Viens, c’est cette maison, là, en lisière de forêt ! La clef est sous le pot de fleurs de la fenêtre m’a dit le propriétaire. Je vais nous préparer une bonne flambée pour nous réchauffer !
— J’espère qu’il y a une fausse peau de bête juste devant, fait-elle avec un air gourmand, contente de se concentrer sur l’essentiel.
Il rit, heureux, et se félicite de l’avoir arrachée à ses addictions, et de se retrouver seul au monde avec elle. Cependant, le plus dur restait à faire : la convaincre de s’installer là pour toujours

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