J’ai visité une brocante récemment, fascinée par ces objets qui nous survivent ! J’aime bien regarder les photographies anciennes de communiantes, les vieux téléphones, les jouets d’autrefois, les livres reliés qui sentent bon, les statuettes religieuses aux couleurs passées… Je m’étais promis de ne rien acheter – c’est déjà la brocante à la maison – mais j’ai craqué devant cette gravure (la mode compliquée du 18e siècle !), elle m’a donnée une idée d’histoire.
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Les dessous de l’époque
La duchesse aimait organiser des fêtes galantes dans ses jardins et ne manquait point d’idées. Dégustations de macarons, de glaces et de chocolat chaud, jeux de balles et de cerceaux, saltimbanques, cracheurs de feu et dresseurs de chiens… autant de divertissements pour ses invités venus chercher chez elle de menus plaisirs de toute sorte ! L’on se bousculait pour rivaliser de traits d’esprit et de jeux de mots, jouer aux quilles, aux charades, et jouer aux jeux de séduction aussi…
Ces après-midis galantes viraient souvent au libertinage le plus joyeux en fin d’après-midi, quand le soleil disparaissait derrière les hauts arbres. Échauffés de joutes amoureuses depuis des heures, grisés de vins exquis, ivres de soleil, soumis à la tentation devant des décolletés vertigineux ou des chevilles apparaissant parfois au hasard de jeux de balles, ces messieurs gagnaient en audace, encouragés il est vrai. Les marquises et comtesses jetaient force œillades aux gentilshommes de leurs choix, et ceux-ci en rajoutaient côté courbettes, propos fleuris, baises-mains appuyés, espérant baiser bientôt autre chose. Ces dames n’étaient pas en reste, les éventails et leurs longs cils s’agitaient de plus belle, les hypnotisant.
Les domestiques chargés de distribuer des douceurs échangeaient des clins d’œil ; toute l’assemblée était mûre à point en cette heure tardive ! Ils remplirent une dernière fois les coupes à ras bord pour donner le coup de grâce, et s’éclipsèrent ; à leur tour de se donner du bon temps !
Ils s’observaient depuis le début : la marquise à demi cachée par son ombrelle et son éventail, le chevalier plus franchement, avec le cran de la jeunesse qui n’a peur de rien (d’innombrables servantes avaient succombé à ses charmes, pourquoi pas une marquise ? Et celle-là le regardait comme s’il était le plus délicieux des macarons de la pile)
Lui jetant un dernier regard par en dessous, elle s’éloigna dans une envolée de rubans et de nœuds à demi défaits. Il suffirait sûrement de tirer sur ce lien relâché, et toute la robe tomberait, révélant la peau nacrée… Le chevalier en salivait d’avance ! Il s’empressa de la suivre au cœur du labyrinthe. L’heure était venue, sa proie ferrée, l’hallali imminent ! Il se pressa, et se jeta bientôt aux pieds de la marquise – elle avançait à pas menus, gênée par ses chaussures pointues.
Elle accepta de bonne grâce ses lèvres effleurant ses mains, puis les baisant carrément. Des baisers respectueux, devenant fiévreux, progressant le long de son bras nu. La marquise riait, se rendait déjà et l’attirait plus près. Le chevalier se sentait perdu devant des atours si compliqués et suait à grosses gouttes : fallait-il commencer par ce lacet ici, dénouer ce ruban, ou encore défaire cette ribambelle de minuscules boutons… Il fourragea sous l’abondant tissu, il en avait plein les mains, des soieries, des rubans à foison… Ah, voici d’autres lacets, la porte du paradis sans doute ! Il souffla, s’escrima avec ses gros doigts, réussit à venir à bout des nœuds, avant de se décourager : encore un jupon ! Et combien d’autres ensuite ? Jamais il ne parviendrait à la peau, par tous les diables !
Il devenait fou, envisageait son épée pour ouvrir tout ça, qu’on en finisse… Il fit mine de la dégainer de son fourreau, espérant bientôt libérer son épée personnelle toute aussi dure, de chair et de sang, elle.
La marquise riait
— Que d’empressement, que de fièvre ! Doucement chevalier voyons ! Vous ne voudriez pas abimer ma robe, n’est-ce pas ? Songez aux milliers d’heures de couture et de broderie pour la confectionner, par une armée de jolies mains fines…
Elle le repoussa vivement. Il recula, tremblant d’être éconduit, au comble de la frustration. Elle secoua ses cheveux, un nuage blanc s’échappa, la nimba d’un brouillard éphémère… Les décorations de son haut chignon valsèrent ; fleurs, feuilles, oiseaux et bateaux s’éparpillèrent dans l’herbe.
Elle se retourna dans un reste de pudeur pour se dévêtir. Elle tira quelque lacet, et comme dans les fantasmes du chevalier, la robe chut à ses pieds, entraînant quelques strates de jupons. La marquise s’extirpa du panier qui gonflait sa robe et apparut en chemise, jolie comme une fée dansant au clair de lune !
Elle se battait à présent avec son corset férocement lacé par quelque servante sadique veillant sur sa vertu. Elle n’allait jamais parvenir à l’enlever seule ! Il le fallait pourtant, il lui coupait le souffle, l’empêcherait de se pencher vers l’objet de ses désirs, ce phallus dressé pour elle, qui perçait la culotte de satin bleue de son prétendant. Enfin elle en vint à bout, et se retourna, victorieuse, cherchant son bien-aimé du regard. En vain, ce cuistre avait décampé !
Le chevalier s’était lassé.
S’ennuyant pendant que la marquise bataillait avec son corset, il contemplait les alentours et surprit la plus mignonne des petites servantes à demi-cachée derrière la haie ; elle les espionnait en pouffant dans ses mains cette coquine ! Piqué au vif, il courut vers elle pour la réprimander, avant de l’embrasser, laissant la marquise fort marrie et esseulée…
– Un siècle plus tard, les boutons-pression et la géniale fermeture éclair seraient inventés, simplifiant le travail des amants impatients !
(écrit sans recherche historique concernant les dessous de l’époque, n’hésitez pas à me corriger sur le nombre de jupons, la présence du corset, du panier, d’une culotte fendue, etc !)



2 commentaires
Bonjour,
Tout d’abord merci pour le récit.
Concernant la faisabilité du quick sex, en faite c’était très simple puisqu’il suffisait de tout soulever et voilà. C’était la solution pour uriner.
Les dessous étaient constitué d’une chemise,
d’un corps baleiné, de coussins ou paniers (sur ce type de robe c’est un coussin), d’au moins un jupon (parfois plusieurs mais pas systématique) et enfin la jupe (et manteau de robe) .
Concernant le corps baleiné il est moins contraignant à la taille qu’un corset moderne puisqu’il s’evase en basques (elles aussi baleinées pour supporter le poids des vêtements sans cisailler la taille). De même que la poitrine n’est surtout pas écrasé ou aplatit mais relevé (un peu à la manière d’un soutien-gorge push-up) d’où la presence de baleines horizontales. Malgrés tout il possède quand même un Busc pour avoir un devant le plus plat possible et un dos moins large pour ramener les épaules en arrières. (les canons de beauté de l’époque). Donc oui contraignant à sa manière.
La culotte fendu n’arrive qu’au 19e siecle.
Voilà c’était juste pour info et ça ne retire en rien la qualité de votre histoire.
Bien à vous
Merci pour ces passionnantes précisions ! Oui, trousser sa conquête… mais on se prive du contact de la peau nue, si agréable…