Après un week-end à la mer sous la pluie et sous la couette, retour à Paris :
Chap.5 Crescendo
Ce week-end à la plage marque un tournant (même si on a presque rien vu de la plage en question, mais bon, je ne vais pas me plaindre). Désormais, je suis bien occupée, enchaînant les amants que me déniche mon chéri – moi j’ai trop la flemme de chatter sur les sites, ça prend un temps fou. Lui il aime bien, je devine que ça lui plaît, de choisir mes amants, ça alimente le film de ses fantasmes avant le jour J. Il y met beaucoup de soin, il en a lâché ses jeux vidéo ! Tous nos loisirs tournent désormais autour du sexe, nous baignons en permanence dans une ambiance érotique, traversés de flux d’énergie qui nous attirent l’un contre l’autre à tout moment.
Mais j’ai beau baiser encore et encore, j’ai toujours le feu au cul, comme on dit vulgairement, et même tout un incendie impossible à éteindre, malgré tous les efforts de mon chéri, aidé de guest stars sollicitées en urgence, de Mathias (il fait le voyage rien que pour me voir, je me demande s’il ne commence pas s’attacher, cette ligne rouge à ne pas franchir. Je deviens de plus en plus autoritaire pour le maintenir à distance, mais il n’en est que plus énamouré. Ces soumis alors, ils fonctionnent à l’envers !).
Les fantasmes les plus extrêmes me dévorent sans répit, je vais devoir m’offrir à une multitude d’hommes pour enfin trouver la paix, une caserne de pompiers, un camp militaire entier, des camionneurs sur un parking, des joueurs de foot dans leur vestiaire… Je suis prête à tout !
— Faut qu’on parle, m’annonce mon chéri un soir.
Voilà qui me rappelle des souvenirs… Mais cette fois, je n’ai pas peur ! Je suis excitée au contraire, je dirais même que je commence déjà à mouiller, à peine, juste de curiosité. Je connais mon chéri, il s’agit sûrement d’une proposition alléchante. Peut-être a-t-il invité des voisins, miraculeusement libertins ? Ce serait pratique, on les aurait sous la main… Ou alors, il nous a inscrit à une folle soirée masquée et dénudée, comme dans ce film, quel est son nom déjà ?
— Charlotte, tu m’écoutes ?
— Heu oui « faut qu’on parle » tu disais
— Mouais, faut surtout que tu m’écoutes, et moi, je parle !
— Oui, maître
C’est sorti tout seul, je n’ai pas réfléchi, et bientôt c’est une évidence ! Si moi j’ai des amants-soumis, lui c’est mon maître absolu et vénéré qui me livre en pâture à tous ces hommes en érection – pour mon plus grand plaisir il est vrai. Oh, je dois me concentrer, on dirait qu’il parle là, je vais finir par recevoir la fessée. Pourquoi pas après tout, il ne faut pas mourir idiote, il faut tout essayer dans la vie, la fessée aussi !
—… tu pars la semaine prochaine !
— Attends, où ?
— Tu ne m’as pas écouté !
Il fronce les sourcils, mais je vois bien qu’il est amusé. Je me retiens pour ne pas sourire.
— Si, si, j’ai juste été distraite un instant, c’est rien, et donc tu disais ?
— Regarde-moi dans les yeux, au lieu de fantasmer dans ton coin, je veux que tu fantasmes avec moi ! On est deux dans ce bateau, tu ne vogues pas toute seule en liberté dans tes nuages, j’ai envie d’en être moi aussi !
— Mais oui, bien sûr !
Surtout qu’il ne se sente pas exclu, ce serait horrible !
Je ne comprends rien à son histoire de bateau et décide de me montrer plus attentive pour y voir clair. C’est sans doute une image… à moins que l’on parte vraiment en croisière ? Il paraît qu’il existe des croisières libertines, ce rêve ! Ou il a loué un voilier avec un beau skipper, oh hisse, larguez les amarres, à bâbord toutes. Matelot, enlevez donc ce tee-shirt, que je puisse reluquer votre torse bronzé…
— Alors, tu es partante ?
Je ne me vois pas lui dire que je n’ai rien écouté encore… Je maudis ma distraction, je m’évade toujours dans mon monde intérieur qui efface la réalité. Ce monde intérieur devient ma réalité, une bulle qui m’isole du reste du monde, un peu comme lors qu’on dort, des rêves éveillés qui supplantent le réel, et le réel devient flou comme un rêve… « Tu es dans la lune, tu as la tête dans les nuages », je n’entends que ça, depuis toujours, je vais devoir consulter un psy si ça continue. Mon entourage doit insister pour que je sorte de ma bulle, et ça me joue des tours au boulot aussi, je commence à traîner une sale réputation de rêveuse éveillée, pas bon pour le marketing ça ; il faut qu’on soit toujours au taquet, sur la brèche, qu’on surfe sur les trends et la vibe du moment, toutes nos antennes connectées sur les tendances. « On est une équipe, on partage la même vision, on regarde tous dans la même direction » dit souvent mon chef en me faisant les gros yeux. Ce n’est clairement pas le moment de penser à mon job et à mon chef (ce tue-désir), mais aux plaisirs, avec mon chéri. Il a évoqué un bateau… Je nous vois déjà sur ce voilier, je sens le roulis des vagues, les embruns sur mon visage, l’odeur d’iode et de crème solaire, je suis éblouie par le soleil et par le poitrail parfait de notre capitaine… Il me fixe des yeux tout en tendant la voile, des yeux bleus éclatant assortis à l’océan, la peau brûlée par le sel et les rayons ardents, encore un homme qui se refuse de mettre de la crème solaire, comme mon chéri, qui devient vite tout rose dès le premier jour des vacances, et se vexe de me voir ricaner…
Je me ressaisis ; fichue distraction ! Je me reprends pour de bon et décide de vouer une confiance aveugle à l’amour de ma vie. C’est mon mari après tout, il ne me veut que du bien !
— Oh oui mon chéri ! Avec joie ! J’adore voguer au gré des courants….
Cela me paraît suffisamment vague pour « passer » au sens propre comme au figuré, mais mon mari hausse les sourcils, et me fixe d’un œil suspicieux.
— Bon, je t’ai tout envoyé par mail de toute façon, tu n’auras qu’à lire.
Il me connaît bien ! Je respire, soulagée, car lire, aucun souci, je suis à mon affaire ! Les mots me retiennent prisonnière aussi sûrement des chaînes. Ce ne sont plus des mots d’ailleurs, mais un véritable film 3D dans lequel je suis immergée, une dimension parallèle comme si on m’avait posé des électrodes sur la tête et enfermée dans un caisson. Comment s’appelle ce film de SF déjà ? Ah oui, Matrix ! Et il y en a d’autres je crois… Lire, c’est encore mieux que le cinéma je trouve, car je peux mettre en scène mon propre film : j’avale des pavés de mille pages sans reprendre mon souffle, du moment que cela parle d’amour ou de crime ! Eros et Thanatos, le duo éternel… Et là, son message ne fait qu’une page et parle de libertinage !
Je me jette dessus.
A suivre (si j’ai le temps !)

4 commentaires
Il est bon ce chapitre 5 😊 On sent que Charlotte a non seulement fait une découverte sur elle et son couple, mais qu’elle l’a complètement intégré à son quotidien. On a presque l’impression qu’il y a un danger : elle paraît presque submergée, comme si ses désirs la coupaient des autres et du monde… Elle n’écoute presque plus son homme.
J’ai aimé ce mélange d’hardiesse et d’étrangeté. Et un récit érotique qui ne se base pas simplement sur les actes en eux-mêmes mais sur les désirs des personnages, c’est toujours rafraîchissant. Enfin, le ton est toujours alerte, où la franche grivoiserie (l’histoire du camp militaire et de l’équipe de sport m’a beaucoup fait rire) ne se confond jamais avec la vulgarité.
Bref, merci pour ce partage !
Merci beaucoup cher lecteur pour ce retour et vos compliments ! J’avais envie d’écrire sur la distraction et le désir… Je vais écrire la suite, dans le camp militaire ou les vestiaires 😉
Quelle jolie plume, et quel beau récit, je n’attends que le plaisir de lire la suite. Cette belle Charlotte ne serait-elle pas en train de se faire dévorer par ses envies, ses pulsions?
Continuez, j’adore!
Merci Mathieu ! Oui, c’est le danger, se perdre dans l’assouvissement frénétique de ses désirs !