Ce moment-là

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   Je quitte un instant les rivages piquants du bdsm, pour revenir à mes premières amours : l’érotisme pur et dur, inspirée par le texte d’un ami.
   Gaspar Demeth a posté un très beau texte sur ce « moment-là »: la pénétration (quel vilain mot en revanche), un peu mise à mal ces temps-ci (je suis plus que d’accord bien sûr avec tout ceux et celles qui encensent les préliminaires et les remettent à l’honneur, mais je n’ai pas envie de jeter le bébé avec l’eau du bain… certes, tout a trop longtemps exclusivement tourné autour de « ça » et du plaisir des hommes, le désir et le plaisir féminin étant secondaires et relégués aux oubliettes. Il était temps de remettre les pendules à l’heure (j’adore les expressions désuètes, mais là j’abuse !). En réaction, aujourd’hui, on en vient à renier parfois ce moment-là… Je suis pour un juste équilibre et tout à la fois : les préliminaires, et sa suite logique !
 
   Le texte de mon ami m’a troublée, j’ai eu envie d’écrire son pendant, le point de vue d’une femme sur le sujet : tenter de capter l’essence de ce moment, quitte à déborder un peu avant et après, tant il est indissociable de tout le reste de l’étreinte. Je l’ai écrit de mon point de vue, de banale femme cisgenre attirée par les garçons – et les filles aussi, mais là, je vais me concentrer sur les hommes -, aussi je comprends bien sûr que tout le monde ne pense pas comme moi, ne se reconnaisse pas dans ce que j’écris, n’éprouve pas cette soif, ce désir, cette alchimie du corps, cet appel impérieux de la nature, ce goût et cet appétit pour le sexe opposé… 😉
   Longtemps, j’ai évité d’écrire à la première personne (mes chers lecteurs confondant allégrement imagination et vérité), mais pour ce texte au sujet si intime, le « je » s’impose. Cela reste un texte fantasmatique, romancé, imaginé par une autrice érotique dont les pensées s’enflamment et s’emballent toute seules, déconnectées de la réalité. Ne pas faire d’amalgame avec ma réelle et modeste personne.
   Bon, maintenant que toutes les précautions liminaires ont été prises, donc, « ce moment-là » :

***

  Il est divin quand je meurs de désir, si j’ai mijoté doucement jusqu’à ébullition, pris mon temps, que l’on m’a donné du temps, parfois jusqu’à l’insupportable, jusqu’à me consumer de désir… Tout se mélange en un tourbillon de plus en plus rapide : envie de douceur, et aussi d’être empoignée, pénétrée, d’empoigner, envie d’abandon et de mordre à pleine dents ; j’ai envie de tout à la fois ! Selon les circonstances, mon amant, le manque de lui… Je le réclame en moi, toute honte bue, je l’attire à moi, je fais le premier pas, je suis prête à en faire mille s’il le faut.  
  C’est le moment.
  Il se pose sur moi, lourd de promesses. Il ne bouge pas, je sens son sexe à l’orée du mien. Il patiente. Il attend mon désir, il prend son temps. Je remue sous lui comme je peux, me tortille pour mieux le sentir, et le désir m’envahit. Un raz de marée, un tsunami, qui réveille ma source intime, un flux minuscule au regard de la tempête de mes désirs.
   Mon sexe s’entrouvre tout seul, humide, accueillant, et l’aspire en moi. Il me pénètre lentement, il n’en finit plus d’entrer en moi… avant de s’immobiliser à nouveau. Chair contre chair, sa tiédeur dans ma chaleur. Sa chair dure, raide, glisse entre mes parois souples qui s’écartent sur son passage, palpitent et le serrent, comme je le serre de toutes mes forces dans mes bras. Je le serre à lui rompre la colonne vertébrale, j’enfonce mes ongles dans sa peau, pour supporter le shoot de plaisir qui me submerge, des vagues de plaisir au rythme de ses mouvements de bassin.
   Il est en moi, et mon désir grandit encore, je le veux, je le veux, il est en moi et je le veux encore : je veux plus ! Qu’il m’embrasse en même temps, qu’il me serre fort lui aussi, me morde, m’épuise, apaise enfin mon désir pour laisser la place au plaisir…
  J’ai aussi envie de câlins à l’infini, de lui dire des mots d’amour, des mots violents, de rester ensevelie sous son corps immense, chaud, lourd… Longtemps j’ai préféré les grands amants, un peu enveloppés, pour disparaître sous eux, en apnée, bizarrement merveilleusement bien sous ce poids de géant qui m’écrase, m’empêche de respirer. Je respire comme je peux, dans son cou, dans son poitrail, dans sa bouche que je cherche, car je ne veux jamais cesser de l’embrasser…
   Ce désir de me fondre en lui, de faire l’amour avec nos langues, nos sexes, nos mains, de ne faire qu’un pendant des secondes d’éternité, sans me faire de soucis du style « est ce qu’il s’ennuie, est ce qu’il fait ça pour me faire plaisir, que va-t-il penser de moi » … je ne connais rien de meilleur au monde, avant la touche finale, délectable, nos abandons et nos jouissances.
   Mais pas tout de suite.
  Je reste concentrée dans cette bulle d’amour physique, fondue de désir, hors du temps, abandonnée et pleine d’énergie, d’appétits, oublieuse de tout… Nos corps s’accordent pour danser ensemble, de façon fluide, naturelle, pour accélérer, ralentir. Nos esprits sont connectés, se confondent aussi, ressentent les mêmes envies… Parfois ma volonté abdique, j’aime être manipulée à sa guise, tournée, retournée. Possédée. Je ne m’appartiens plus, j’ai rejoint une autre dimension qui ne s’ouvre pour moi qu’en faisant l’amour, avec des ressentis exacerbés, une empathie qui me relie à lui aussi sûrement qu’un don de télépathie. Je ne pense qu’à lui, je vis à travers ses soupirs, ses tressaillements, autant de signes d’excitation que je ressens directement dans mon corps et mon cœur, et qui m’excitent en retour (ce cercle vicieux délicieux !). Et puis c’est mon tour, tout à coup je grimpe sur lui, je le baise à mon rythme, je le chevauche comme une valkyrie, ou lentement, hypnotiquement…
  Mais je m’égare, il s’agissait de ne traiter que la pénétration, « ce moment-là », ce moment où je tombe éperdument amoureuse l’espace d’un instant, de mon amant, de mon amour, de tous les hommes en général, avant que tout ne s’envole en fumée, pour ne laisser la place qu’au désir comblé, et puis à la jouissance, aux échos du plaisir, qui vont se dissoudre aussi, me laissant un manque, un vide, et bientôt, l’envie de recommencer.

***

   Le texte de Gaspar Demeth publié sur Facebook, qui m’a donné envie de donner ma vision de la chose :

CE MOMENT-LA

– Si on parlait de ce moment ?
– Quel moment ?
– Le moment où, ça y est, on en a fini avec les caresses, et les baisers, et où ça y est, ce n’est plus qu’une histoire de sexe.
– Le moment où tu me pénètres ?
– Ce moment-là précisément. Si on parlait de cette seconde. Cet instant hors du réel où j’entre en toi. Le moment où je me glisse en toi. Que ressens-tu, toi à ce moment-là ?
– A ce moment-là, cet instant précis où tu entres en moi ? C’est comme une foudre bienfaitrice. Tu comprends, ça ? Quelque chose qui te foudroie. Comme un arc électrique qui me traverse, qui va de mon sexe à mon cœur en passant par mon ventre. Un arc qui crispe ma nuque.
– C’est pour ça que tu renverses la tête en arrière ? Parce que ta nuque est comme saisie par un courant électrique ?
– Oui, c’est pour ça. Et pour ça aussi que ma bouche s’ouvre et que de la salive y goutte un peu, et c’est encore pour ça que je pousse à ce moment précis, un soupir un peu plus fort, qui parfois est un cri. Et toi ? Toi qui me pénètres, que ressens-tu à ce moment précis ?
– Je ressens comme une liberté infinie, comme si mon corps n’avait plus de limite, comme si mon corps, se fondant à l’intérieur du tien, perdait le carcan de ses contours. Je me sens glisser, comme une chute soudaine. Oui une chute. Une chute sans mouvement, sans déplacement, une chute immobile. Je me sens enveloppé avec tant de douceur. Je sens la chair de mon gland se tendre et devenir lisse, et chaque parcelle de l’intérieur de toi qui vient le caresser.
– C’est comme une caresse ?
– Une caresse invraisemblable, une caresse totale, chaude et mouillée.
– Et quand tu me vois comme ça, recevoir ton corps en moi et y prendre un tel plaisir, qu’est-ce que cela te fait ?
– Quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs que dans ce moment. Le bonheur donné, augmente le bonheur reçu. Je me sens à la fois caressant et caressé. Pénétrant et pénétré. Je suis l’objet de mon plaisir et le sujet du tien. Et c’est comme deux miroirs qui se feraient face. Chacun donne à l’autre le plaisir qu’il reçoit.
– Comme une boucle de rétroaction ?
– Une boucle de rétroaction, oui.
– Et c’est cela, ce phénomène qui t’emmène inévitablement vers la jouissance, n’est-ce pas ?
– Oui c’est ça. La jouissance arrive comme une nécessité tant la charge est forte et augmente à chaque instant.
– Et la sens-tu en ce moment cette charge ? Le sens-tu ce besoin irrépressible de jouir, sous peine de t’autodétruire ?
– Oui. Je le sens. Viens, et dans cette implosion, laissons nos corps donner naissance à un nouveau monde.

@Gaspar Desmeth 15 octobre 2023

Le baiser de Toulouse Lautrec

Photo : film Newness

J’ai hésite à mettre en avant ce tableau plutôt : Au lit, un baiser de Toulouse-Lautrec
(je crois que ce sont deux femmes, mais peu importe, le peintre a capté le désir des deux personnes bien mieux qu’on ne le ferait avec mille pages !)

4 commentaires

  1. LaurentNylon a écrit :

    Super , Magnifique , on ressent des Pulsions Electriques de Jouissance…

    1. Clarissa a écrit :

      Merci !

  2. Clarissa a écrit :

    Merci Gaspar gare aux excès ^^ (moi je préfère ne pas me relire en revanche !)

  3. gaspar a écrit :

    quelle merveille ! Ce texte est un cadeau que je m’offre inlassablement en le relisant sans cesse

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