Pornstar, d’Antony Sitruk

    Que celui où celle qui n’a jamais regardé de film porno me jette la première pierre ! Au moins un extrait, les mains cachant à demi les yeux 😉
    Avouons le franchement, nous sommes tous et toutes fascinés par le monde cliquant et artificiel du X qui appelle mille questions, et voici enfin la possibilité d’assouvir notre curiosité, sous prétexte de littérature.
    J’ai rencontré pour la première fois l’auteur, Antony Sitruk, lors d’une soirée à la Musardine, et j’ai eu à la fois envie et peur de lire son livre. Envie de découvrir cet univers fantasmatique, et crainte de souffrir devant les exigences des metteurs en scène sans scrupule, véritables macs abusant des rêves de jeunes filles plus tout à fait en fleur.
    Ce soir là, l’auteur fut assailli à peine son exposé terminé, et je n’ai pas osé jouer des coudes pour le lire sur le champ. Mais la curiosité est restée et j’ai attendu impatiemment le moment propice pour l’ouvrir et le lire.
    La première page claque comme une gifle. Il n’est pas certain que j’aurais poursuivi la lecture sans avoir écouté l’auteur. Elle nous plonge d’emblée, sans préliminaire ni concession, au cœur du cinéma pornographique, en plein tournage, dans ce qu’il a de plus glauque : une toute jeune fille et un hardeur vieillissant, sur le déclin, s’ébattent violemment sous l’œil de la caméra. On assiste en direct à l’élan de compassion presque paternel ressenti par l’acteur envers cette jeune fille. Il l’ignorait pourtant jusque là, pensant à autre chose, laissant son membre remplir son office.
    Cette prise de conscience marque le début de l’histoire, et, malgré notre réticence, nous accroche et nous ligote au livre jusqu’à sa fin. (trop vite arrivée). Je n’avais pas envie d’être la voyeuse de la détresse de cette jeune actrice, mais je me suis attachée malgré moi à ce héros du X, bourru au grand cœur, fêtard invétéré, gros buveur et si fidèle en amitié. Un cocktail complexe irrésistible.  
    Malgré le choc de cette première scène, on a tout de suite envie de comprendre, les motivations de l’homme, ses doutes. On aimerait connaître les pensées de la jeune fille aussi et j’ai ressenti une pointe de regrets car tout est raconté du seul point de vue de l’homme. Le récit est rédigé à la première personne. Il gagne en réalité, nous met directement à la place du héros, mais les pensées de la jeune fille nous resteront inconnues.
    Après cette première alerte, notre homme tente de reprendre le fil de sa vie déjantée et drôle aussi, grâce au recul dont il fait preuve en nous la racontant. Son meilleur ami lourdingue, son metteur en scène véreux et odieux… Mais il ne peut s’empêcher de repenser à cette jeune fille qui l’a émue lors du tournage, et va essayer de la retrouver.
   Outre une histoire attendrissante (contre toute attente !), l’auteur nous livre un véritable documentaire sur le X, son histoire, ses stars, et son évolution regrettable. Quantité de noms sont cités en notes de bas de page, le lecteur curieux n’a plus qu’à s’en inspirer pour s’acheter des DVD qui ne le décevront pas.
    L’auteur dresse un portrait cynique du cinéma pornographique actuel. Les clients sont blasés pas les innombrables vidéos glanées sur internet et recherchent des situations de plus en plus extrêmes, trash, sans fioritures.  Le récit se teinte alors de nostalgie  à l’évocation de l’âge d’or des films scénarisés aux jolis décors, peuplés de stars connues. L’histoire elle-même deviendra presque romantique au fil des pages, mais je ne vous en dirai pas plus pour ne pas gâcher la surprise.
    On rit aussi, franchement, certains passages sont de vrais morceaux de bravoure. L’invitation chez Ruquier, où les rires du public et la verve de l’animateur empêche l’invité de parler ; une nuit d’ivresse …
    En résumé, un anti-héros à la dérive, cynique à souhait ; une rencontre quasi magique improbable, le tout raconté avec beaucoup d’humour : la galerie de portraits, l’ambiance sans gêne des plateaux de tournage…
    Une petite remarque pour terminer, sur la couverture un brin trompeuse. Ceux qui espèrent lire les aventures d’une jeune actrice X en seront pour leurs frais, puisqu’ils seront essentiellement confrontés à un acteur ivrogne et cynique. (Les éditeurs ont de l’humour 😉

    Dévoré en une soirée, trop court, ce livre m’a fait vivre les sombres heures du X, et je me surprends à penser, comme le héros, que c’était mieux « avant », avant internet, les vidéos gratuite et amateurs.
    Il appelle peut-être une suite, ou, mieux encore, un « before », pour nous faire revivre ce fameux âge d’or que l’auteur se contente d’évoquer.

    L’auteur répond sur ses motivations

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6 commentaires

  1. La muraille a écrit :

    J’aime votre manière de penser

    1. Clarissa a écrit :

      Merci La muraille !

  2. Clarissa a écrit :

    Merci Pel Mel pour ta réaction ! Je suis heureuse d’avoir réussi à te faire changer d’avis et donné envie de lire le livre, je t’assure qu’il est tout à fait réjouissant à lire Je pense que l’auteur a voulu nous doucher direct, pour mieux nous tenir en haleine, quitte à perdre quelques âmes sensibles au passage… oui, on en reparlera, avec plaisir…

    1. Clarissa a écrit :

      Ce phénomène de la banalisation du porno chez les ados me surprend moi aussi… à l’âge de l’amour platonique et désespéré, aucune pratique sexuelle n’a de secrets pour eux, et ils s’y adonnent intensément… il y aura sûrement moins de femmes frigides parmi cette nouvelle génération, mais moins de romantisme et d’amour pur aussi ? Et je suis entièrement d’accord avec toi, c’est dommage de penser qu’il y a des passages obligés … si je puis dire

  3. juju051 a écrit :

    il y a bien longtemps que je n’ai pas regardé un film porno. Autant je vais aimer l’érotisme déclamé de toutes les façons, autant la pornographie me rebute. Je plains franchement les actrices et acteurs. Le pire, c’est que les jeunes font leur éducation sexuelle de cette façon.
    Je me souviens d’une conversation avec ma fille, ado, sur la sexualité. Elle m’avait scotché: mais papa, la fellation, toutes les filles font ça. J’abordais ça de façon à lui expliquer que dans un couple il y avait des jeux possibles mais rien d’obligatoire.

  4. Pel Mel a écrit :

    Chère Clarissa, MERCI ! J’ai eu la chance de participer à la soirée de la Musardine et d’avoir un exemplaire dédicacé du livre. Cependant, je n’ai pas dépassé la première page, marqué par la violence du texte et certainement retenu par une vision presque « romantique » d’un univers que je connais mal.
    Il m’a semblé que ce livre était « grand public », qu’il caresse le lecteur dans le sens du poil, en intégrant et en mettant en scène tous les arguments des détracteurs du X ( univers glauque, personnes mal-intentionnées, voire déséquilibrées, qui présente la sexualité sous un jour cynique et désabusé.).
    Ta lecture, courageuse, me démontre mes torts et mon attitude de « jeune pucelle » . Le romantisme n’est pas l’apanage du 19me siècle !
    Je garde encore une appréhension, le jeu de la couverture racoleuse, et le discours qui pose le problème sans ouvrir de solutions me déprime un peu par avance…
    Mais je lirai ce livre pour en reparler ici. Bisous

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