L’arène 2.0, de Clarence Etienne

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   Naissance d’un tableau de Clarence Etienne. 
   L’artiste peintre m’a fait la joie et l’honneur de me représenter dans un tableau, une allégorie des réseaux sociaux transposée dans la Rome antique.

   Mi octobre 2021

   Avec Clarence, nous nous croisons lors d’événements, au cours d’expositions, ou chez des amis communs… J’ai déjà eu l’occasion d’admirer ses œuvres, j’aime beaucoup ses illustrations, ses tableaux. Elle réalise aussi bien des esquisses croquées sur le vif, que des toiles soignées, chargées de symboles et d’histoire : des poupées désarticulées, rompues, difformes, toujours avec de jolies tenues sexy, et aussi des marines, des scènes de guerres, des séances BDSM, des portraits… J’aime ses aquarelles, ses toiles à l’huile, et ses thèmes de prédilection : la sexualité et la guerre 39-45.
  Je suis ravie et enthousiaste quand elle me propose un rendez-vous, pour me parler d’un projet de peinture.
  Je me souviendrai toujours de notre soirée ! Nous nous retrouvons au 100, où elle expose avec d’autres artistes. Pendant notre visite de l’expo, le couperet tombe : le couvre-feu est institué. À nouveau. C’est l’un des derniers soirs de liberté, on choisit de rester ensemble et de profiter de Paris by night avant la fermeture de tous les lieux de fête.
  Attablées dans un bistrot parisien, nous discutons à bâtons rompus. Clarence griffonne sur un carnet, un projet de tableau prend vie sous mes yeux, une scène antique : le martyre de Ste Blandine, extatique et aux anges, tandis que des scènes orgiaques la cernent de toutes part. C’est ce que je lui inspire, ma façon de promener un regard candide sur les sexualités extrêmes, elle aimerait traduire ce paradoxe dans un tableau. Je ris, je suis touchée ; c’est vrai, je suis fascinée par les pratiques sexuelles hors normes, émerveillée par l’imagination des fétichistes et l’étendue des perversions.
 

  Mardi 4 novembre 2021

  Je rejoins Clarence dans son atelier pour une séance de pose. Elle me rassure, ça ne durera pas des heures comme ça pouvait être le cas autrefois, elle prendra des photos !
  Je me sens immédiatement bien dans l’environnement chaleureux de l’artiste, entourée de ses œuvres d’art et de ses objets personnels. Nous bavardons autour de friandises et d’un thé parfumé. Clarence me montre l’esquisse sur son carnet : Blandine, exposée au milieu d’un cirque antique, entourée de lions, et de diverses créatures. Elle a envie de jouer avec les contrastes comme elle me l’a expliqué la dernière fois : la pureté extatique et naïve de Blandine, exposée en toute impudeur, et son entourage composé de fauves et de créatures s’entredévorant ou forniquant à tout va. J’adore son imagination foisonnante ! Et j’aime les contrastes, les contradictions, les oxymores et les paradoxes…
  Je me déshabille avec allégresse et une pincée de stress vivifiante, et je prends la pose, attachée nue à un poteau improvisé : un rouleau de carton. Je m’appuie contre le mur pour maintenir le rouleau, Clarence attache mes mains en hauteur, à la façon des martyres, et recule pour juger de l’effet. Elle prend plusieurs photos afin d’obtenir ce qu’elle cherche, mais je suis une modèle difficile, timide et fausse — les rares photographes qui ont réussi à me convaincre de poser ont bien du mérite avec moi ! Clarence s’approche de moi régulièrement pour me montrer ses photos, elle n’obtient toujours pas encore l’effet recherché : sur celle-ci, j’ai l’air trop coquine, sur cette autre je pose comme une pin-up… Elle guide mon regard, ma posture, rectifie ma position, tourne autour de moi pour varier l’éclairage. Moi je lutte de plus en plus pour maintenir le « poteau » en place, il glisse irrémédiablement. J’ai dû mal à maintenir mon sourire d’extase, et je lutte aussi contre le fou rire qui menace, car mes pensées ne sont pas dignes de mon Saint personnage.
  J’aime me tenir ainsi, totalement impudique devant la photographe qui ne pense qu’à son projet. Je ressens une sorte de plaisir trouble à m’exposer nue devant mon amie habillée, tandis qu’elle me regarde de son œil d’artiste à travers l’objectif de son téléphone. Elle reste tournée vers son œuvre, elle ne voit en moi que la « modèle » qui sert son dessein, elle ne se doute pas des pensées qui m’agitent. Pour garder une contenance, je m’amuse à varier mes expressions, mon regard, et Clarence obtient au hasard des clichés la pose souhaitée, extatique et exaltée.

  Vendredi 13 novembre 2021

  Nous bavardons de tout et de rien avec animation autour d’un délicieux déjeuner. Je n’ose pas prendre des nouvelles du tableau, je ne sais pas ce que préfère l’artiste : travailler seule, sans interférence, ou partager les différentes étapes de son avancement.  
   Elle m’explique sa façon de procéder. Elle a choisi de réaliser un triptyque sur bois, à l’instar des tableaux pieux du moyen-âge. Elle a déjà créé un volet qui m’enthousiasme : une femme nue entourée de personnages qui font leurs petites affaires autour d’elle. (Je ne réalise pas sur le moment que cette femme aussi est inspirée de moi, car on ne distingue pas son visage)
  Tout commence par un travail d’artisan : le ponçage d’une tablette en bois deux jours durant, jusqu’à ce qu’elle soit complètement lisse. Clarence aime ce rendu qui permet de peindre très précisément, dans un style « naïf », en contraste avec son propos. Il reste parfois quelques imperfections liées à la nature du bois, elles s’intégreront au tableau, au fil de son imagination. Elle me demande soudain si j’ai envie de voir celui où je suis représentée, il est déjà bien avancé. Des frissons de joie et de curiosité me parcourent des pieds à la tête, je bondis du canapé et la suit dans son atelier.

  Là, j’ai un choc et je ris nerveusement : ma photo a été découpée, agrandie, et s’affiche en grand sur le mur pour inspirer la dessinatrice. Sur son bureau, un grand papier calque où mes traits, ma silhouette, sont déjà dessinés, ainsi que plusieurs éléments du décor dans lesquels je me perds.
  Clarence dessine sur un calque, afin de pouvoir corriger, gommer à son aise sans laisser de trace sur son support ; puis, elle le retourne et repasse les contours au stylo. Son dessin s’imprime sur le bois, inversé. J’utilisais cette technique enfant !
  Au centre du tableau, attirant tous les regards, Blandine est exposée, nue, attachée à un poteau ; son martyre est sur le point de commencer. La jeune Sainte est lumineuse, un léger sourire flotte sur ses lèvres. Les yeux levés vers le ciel, elle semble en pleine extase, tournée vers les délices qui l’attendent là-haut. Autour d’elle, de magnifiques lions majestueux s’activent, trop occupés pour s’intéresser à elle : ils dévorent. J’admire la finesse de leur pelage, leur beauté, contrastant avec les monstres qui les entourent. En regardant de plus près, on voit que l’un des lions est déjà en train de croquer un membre, un autre est aux prises avec deux petits monstres qui tentent de le maîtriser… Une créature descend du ciel, un ogre ficelé au bout d’une corde ; plus loin, une future martyre à la silhouette androgyne attend, attachée, avant d’être jetée aux lions peut-être…
 

  Vendredi 3 novembre 2023

  Le tableau est présenté dans le cadre de l’exposition Nude expo. Je le découvre enfin, deux ans jours pour jour ou presque après notre premier rendez-vous et l’esquisse au crayon ! Il est superbe, finement peint dans ses moindres détails sulfureux, il attire les regards, on me reconnaît, ce qui me rend à la fois confuse et très flattée.
   Clarence explique la symbolique de sa peinture :
   Première toile de la série « L’Arène 2.0 : Blandine ». Modèle Clarissa Rivière, qui m’a fait la faveur de poser pour ce sujet improbable !
   La série « L’Arène 2.0  » parle des réseaux sociaux.
   Dans l’Arène 2.0, la foule est cruelle, la foule veut son spectacle, elle veut des tripes et du sang.
   Nombreux sont ceux qui s’y lancent, qui s’y précipitent… et s’y font dépecer. La cage est pleine, la réserve est assurée.
   Blandine s’y expose, prisonnière consentante et radieuse.
   Ce n’est pas sur elle que le prédateur se rue, malgré les efforts pour le freiner de ses deux gnomes gardiens aux couilles si lourdes qu’elles balaient le sol. C’est vers le rat qu’il fond, le rat des réseaux, l’imbécile heureux qui se croit protégé en ce bref instant de lumière, aveuglé et si vulnérable.
   Le lion n’en fera qu’une bouchée, la foule attend ça!
   Et Blandine continuera à rayonner sereinement, avec classe, et grâce…
   Merci Clarence de m’avoir mise en scène dans ce beau tableau, et de m’avoir offert un si beau rôle dans cette nouvelle arène des jeux du cirque, celle des réseaux sociaux !
   J’ai beau m’exhiber, m’enchaîner sans relâche à ces réseaux sociaux, je « passe entre les gouttes », les prédateurs m’ignorent et se jettent sur des proies plus faciles… — cependant, les gardiens de l’arène, alias les modérateurs FB, ne se privent pas de me sermonner et de me punir de leurs verges virtuelles.
   Je prends conscience d’une chose à travers ce beau tableau : mon addiction aux réseaux sociaux (même si je tente de contenir le temps que j’y passe / que j’y perds) ( et mon goût pour l’exhibitionnisme, étant une ancienne timide qui se soigne et lèche encore ses blessures de jeunesse  😉 )
   Des chaînes que je me choisis, mais qui m’enferment dans un monde virtuel alors que je pourrais tant faire dans la vie réelle à la place !
   Même si la foule me lance des fleurs, des mots doux sous forme de « like », la situation peut s’inverser un jour, le fauve affamé peut s’intéresser à moi qui m’offre et me révèle autant, et venir me croquer… Il est peut-être temps que je me libère de ce poteau phallique, même romantiquement recouvert de fleurs 🙂
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   Je figure aussi sur le deuxième tableau, savoureux, foisonnant de scènes orgiaques, de jeux d’équilibre pour tenter de conquérir les honneurs de la foule qui se repait du spectacle, s’en mêle à l’occasion, en tendant la carotte ou le bâton.
  Je me suis enfin libérée de mon poteau, je m’expose toujours, intouchée, en me protégeant d’un voile pudique… le début de la libération de l’addiction aux jeux de l’arène ? En tout cas, je ne suis plus attachée, et je me livre moins peut-être, avec ce voile qui me protège des ardeurs de la foule avide.

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   Le troisième tableau qui compose cette trilogie est magnifique aussi avec ses trois beaux chevaux noirs (je ne peux m’empêcher de penser au jeu de mots en anglais : night mares, les juments de la nuit, et aussi les cauchemars). Il évoque le ghosting – la prochaine fois que je croise Clarence, je lui demanderai son analyse détaillée, car chaque personnage a une portée symbolique et n’est pas là par hasard.

***

   Le site de Clarence Etienne
   NudeExpo, exposition d’artistes qui se déroule du 3 novembre au 12 janvier 2024 à la Concorde Art Gallery, 179 Bd Lefebvre, 15e :
– Du 3 novembre au 14 décembre : érotisme
– Du 15 décembre au 12 janvier : BDSM

   Je n’ai évoqué qu’un seul tableau avec qui j’ai une histoire particulière, dans cette exposition qui réunit plus d’une dizaine d’artistes : photographes, peintres, dessinateurs… j’ai beaucoup aimé ! Les photographies 3D de Vincent Carlier, les photographies de Dom Garcia, celles de Rick-art peintes… Je compte y retourner, car le soir du vernissage, entre les retrouvailles et les bavardages, je n’ai pu me plonger dans les oeuvres comme j’aime le faire.
   Quelques souvenirs du vernissage, je pose au côté d’une actrice et d’une modèle, devant 5 ou 6 photographes qui nous mitraillent, j’ai l’air d’une veuve corse ^^ (j’étais tout en noir car je comptais ensuite rejoindre une soirée gothique)
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    Les artistes exposés : Philippe AGUASCA – Bontés Divines – Fabri CA – Duncan CLARKE – Dominique DUCHON – Clarence ETIENNE – Dom GARCIA – Franck HERNANDEZ/Jean-Louis SANI – Boré IVANOFF – Jo KOSS – Marie KOVACS – Cindy LOPES – Laura MA – Isabelle MAHAUT – Diotto Martial – William PENKLI – Simone PINNA – Daniel POWER – Gwenaëlle RAVON – Fernando RIVAS MEJIAS – SACHA – Alonzo SERAI – Marie THUILLIER – VALJEMIFLO – Anne-Fleur VICARINI

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