Dans la tanière du loup, de Traudl Junge

2017-08-23 12
    Un soir, je me suis retrouvée en panne de livres, et j’étais trop paresseuse pour fouiller ma PAL, pile à lire en jargon de lectrice.
   L’homme, passionné de seconde guerre mondiale, d’histoire militaire en général, de stratégie, de tactique et de diplomatie, m’a conseillé ce livre, susceptible de plaire à la gent féminine, moins fana a priori d’engins militaires en tous genres, tanks, spitfires, etc… que les garçons. (Même si tous les garçons n’aiment pas l’histoire militaire, et si des filles peuvent s’intéresser aux modèles de chars 😉 )
  
Un livre qui colle parfaitement à la situation actuelle, puisque les souvenirs décrits se déroulent en situation de confinement, dans le bunker d’Hitler et son nid d’aigle.

    Je l’ai commencé avec intérêt, et une certaine fascination aussi à soulever le voile des coulisses : comment ces pires criminels de guerre se comportaient-ils en société. On entre vite dans le monde de cette jeune fille recrutée comme secrétaire d’Hitler au moment du tournant de la guerre. Elle nous fait vivre son quotidien, son rythme de vie, ses sujets d’étonnement. Les portraits qu’elle trace de chacun des proches d’Hitler nous les montre sous un autre jour, convivial et détendu, ce qui fait froid dans le dos.
   Et puis j’ai commencé à ressentir un certain malaise. J’ai des défauts de lectrice qui ne me permettent pas de lire ce type de livre avec le détachement nécessaire, le recul essentiel. J’ai tout de suite ressenti une vive empathie pour cette jeune fille candide jetée dans la gueule du loup. Elle ne se pose pas de questions, se contente de travailler de son mieux, mais qui s’en poserait à son âge ? Une jeune fille attachante, ni idéaliste, ni fanatique, aimant la vie, s’efforçant simplement de faire son travail avec application et de satisfaire son chef.
   Elle décrit son « patron », sans complaisance, mais sans ressentiment non plus, avec même une certaine affection : son rythme de vie chaotique, son besoin maladif d’être entouré d’une « cour » à son écoute, qui doit le distraire jusqu’aux petites lueurs de l’aube. Elle nous décrit aussi le dévouement et la bonne humeur inaltérable de sa compagne qui ne pense qu’au sport, à la mode, au cinéma, et à ses chiens… Tout un cercle d’intimes isolé du reste du monde, des « mauvaises nouvelles » des fronts, et qui continue de se distraire, de boire, soirées après soirées, en dépit de tout. Hitler y apparaît fragile, maladif, paternel. Dès le début la jeune secrétaire perçoit des fêlures : sa santé qui se dégrade, son refus de discuter, d’ouvrir les yeux, de voir la réalité en face, son entêtement, son aveuglement qui conduira son armée à sa perte…
   L’on ne peut s’empêcher de ressentir de la compassion pour cette jeune fille au fur et à mesure que le temps passe et que les événements dramatiques s’accumulent. Et c’est là que le bât blesse. Au lieu de se réjouir des victoires des alliés, du débarquement, on s’inquiète pour l’héroïne qui ne va pas tarder à vivre l’enfer. On s’inquiète même pour ce lieu utopique où Eva Braun maintient à bout de bras une joie de vivre artificielle, où tout le monde ferme les yeux pour ne pas fâcher le dictateur qui part à la dérive… c’est quand même le comble ! Il faudrait se réjouir au contraire ! Plus tard, l’ambiance oppressante dans le bunker, une ambiance de fin du monde, tellement déprimante alors que tout est « perdu », finit par nous gagner. On ne ressent plus que de la pitié pour Eva Braun, les autres femmes qu’Hitler entraine dans sa perte, les enfants emmenés par des parents fanatiques dans cet abri de mort. Les adultes consentants peuvent s’écorcher vifs, c’est leur affaire, mais je ne veux plus jamais lire d’histoires ou de récits avec des enfants innocents, même si ici leur triste sort est juste qu’évoqué..
   Je fais partie de ce genre de lectrice qui s’immerge complètement dans une histoire, je m’y plonge jusqu’au cou, au point d’épouser les causes des personnages, de me mettre à leur place, de me fondre en eux, de me réjouir et souffrir avec eux… – cela fait partie de la magie de la lecture, vivre intensément l’histoire, comme si on la vivait soi-même, se projeter au point d’oublier que l’on lit, au point de tout voir en images 3D et de s’y téléporter, de ne plus voir les phrases qui s’enchaînent en petits caractères, d’évoluer et ressentir, d’oublier le monde qui nous entoure… c’est peut-être pour cela que j’aime moins lire des essais, des documents, car la magie n’opère pas – Cela marche aussi avec les films d’ailleurs. J’avais ressenti la même chose en regardant le film Das Boot, qui raconte la vie à bord d’un sous-marin allemand de façon saisissante. Je m’associais à leur sort, je m’attachais à toute l’équipe, au commandant surtout, oubliant qu’ils étaient « l’ennemi ». Ils n’étaient plus qu’un équipage luttant pour sa survie et pour son sous-marin.
    A la fin de ses souvenirs, un historien raconte ce qu’il est advenu de la jeune femme.

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