Les carnets de l’underground

On ne peut pas flâner à la Musardine impunément !
Je venais sans projet particulier, à part pour le plaisir d’échanger les dernières nouvelles avec le libraire, et le plaisir des yeux en feuilletant des livres, des BD… quand je tombe sur Les carnets de l’underground de Gabriel Cholette. Je me laisse tenter… Tout ce qui est underground, transgressif, ça me parle !
Je n’en ai fait qu’une bouchée, et je me sens d’autant plus impatiente de partir en soirées… (Un livre qui m’a un peu rappelé Looking for after, sur le monde des raves…)

L’auteur a rassemblé une série d’anecdotes, comme des « flashs » sur le milieu des soirées techno gay, à Berlin, Montréal… J’étais un peu déroutée au départ, car l’auteur rentre tout de suite dans le vif du sujet, sans nous expliquer le contexte ou très peu, sans nous présenter ses personnages… avec en filigrane des histoires d’amours plus ou moins déçues. Et puis je me suis laissée embarquer (et je suis arrivée bien trop vite à la fin du voyage, j’en voulais encore !) Je me suis retrouvée dans mon élément concernant le décor, je pouvais entendre la techno pulser dans mes oreilles, voir le dance-floor dark traversé de rayons de lumières, avec la faune des danseurs fetish en sueur, s’ébattant sur la piste ou dans les dark rooms…
Et je sais enfin ce qu’il se passe au Berghain, ce club techno mythique dont je me suis fait refouler avec un ami ! (Ça ne m’étonne pas, vu nos grands sourires et notre dégaine de touristes français venant s’encanailler, mais heureusement le Kit kat nous a accueillis à bras ouverts !). Je rêvais depuis d’en savoir plus sur ce lieu, et buvais les paroles des amis ayant réussi à pénétrer dans le Saint des saints. Maintenant, grâce à ce livre, j’imagine mieux ce lieu immense, démesuré, avec ses étages dédiés, où se retrouvent par affinités une population d’habitués.

Gabriel Cholette nous raconte sans détour des moments de folie pure, de lâcher prise, lors de ses soirées intenses, ponctuées par le hasard des rencontres, des coups de foudre, des retrouvailles. Paradoxalement, ces soirées extraordinaires commencent souvent dans les toilettes (après une queue interminable – je connais ça, on dirait que le problème est mondial !) Ils s’y cachent entre amis pour prendre des quantités déraisonnables de drugs avec des mélanges osés, le tout copieusement arrosé de shots et de bières, pour vivre la soirée le plus à fond possible, une soirée « augmentée » dans laquelle ils se jettent corps et âmes, faisant fi de la timidité, de la pudeur, des craintes, du souci du regard des autres… qui nous « pourrissent » la vie parfois en soirée.

L’auteur écrit avec beaucoup d’humour et d’autodérision – par exemple, cette scène où il demande des produits à un videur ! Il s’est aussitôt retrouvé exclus, ce qu’il prend avec le sourire (a posteriori en tout cas). On devine son grand cœur aussi, il est souvent en quête d’amour, rêve de vivre des histoires d’amour, craque pour un regard ou un visage croisé, et parfois aussitôt perdu de vue…
Et il y a ce morceau de bravoure : quand il emmène sa mère en soirée ! Un récit d’une tendresse incroyable – et un anniversaire dont sa mère se rappellera toute sa vie !
J’ai aimé sa liberté ! Rejoindre Berlin ou New York sur un coup de tête, un coup de cœur plutôt ! à Berlin, on le sent comme un poisson dans l’eau…

Bien sûr, j’aurais aimé une autobiographie en bonne et due forme, détaillée : mieux connaître tous ces personnages secondaires qui gravitent autour de lui, son parcours… Mais c’est bon aussi ces instantanés de soirées, comme des « shots », une lecture stroboscopique à l’image des jeux de lumière des clubs… avec des illustrations dans l’édition originale pour renforcer le côté « instantanés de soirées » – mais hélas j’ai eu l’autre édition, sans dessins (avec des pages noires, ça fait bizarre)
Une écriture directe, « brute », cherchant à capturer l’instant présent, si fugitif : ces soirées hors du temps et des codes, avec ce basculement dans une autre réalité dès que l’on franchit les portes (je connais bien, j’adore) : le temps qui s’abolit, les barrières qui explosent… Se perdre, s’oublier, s’immerger à fond… Je me surprends à les envier, moi qui reste surtout sur les rassurants rivages, en bordure de la folie, et qui doit rentrer chez moi à l’aube faute d’énergie (et aussi parce que la soirée se termine… on n’a pas ça en France, la culture de ces soirées qui ne se terminent jamais… sauf grâce à la Monarch, qui nous l’offre deux fois par an, pour le nouvel an et lors de la gay pride… )

Le résumé de l’éditeur

Doctorant en études médiévales le jour, club kid la nuit, Gabriel Cholette documente sans complaisance ses errances nocturnes sur fond de techno, de drogues, de questionnements existentiels, de rencontres sentimentales et sexuelles, d’expériences des limites spirituelles ou physiques.

Enfant des récits de Guillaume Dustan, Dennis Cooper et Bret Easton Ellis, il raconte comme personne les gueules de bois, les impasses amoureuses, les corps épuisés, les relations avortées et les angoisses de la jeunesse contemporaine. De Berlin à Montréal, de Paris à New York, Gabriel Cholette examine notre époque par le prisme de son intimité et se dénude pour mieux déconstruire les contours relationnels et les limites de nos comportements collectifs.

Pour vous le procurer

La Musardine 
Amazon

 

 

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