Les boulevards de ceinture, de Modiano

Dans la maison de campagne louée en vacances, je parcours des yeux la bibliothèque. Notre précédente maison du bord de mer regorgeait de classiques, j’ai lu des extraits de Marguerite Duras, Virginia Woolf, Maupassant, etc, trop bien. Ici, c’est surtout le règne des polars, des San Antonio et quelques best sellers. Je tombe sur ce Modiano que je ne connais pas, Les Boulevards de ceinture.
Une histoire de quête du père d’après la 4e de couverture, ça ne m’intéresse pas trop ce type de sujet a priori, mais rien que pour retrouver son écriture, je l’ouvre…

Et la magie opère, par le seul pouvoir de son écriture ! Modiano nous embarque dans son histoire par petites touches, avec beaucoup de mystère, de non-dits, de zones obscures qui s’éclairent peu à peu… On se retrouve enveloppés, plongés dans l’ombre à sa suite. Une histoire pleine d’espoirs déçus, de désenchantement sur fond d’occupation, peuplée de gens occupés de trafics variés, se réunissant « à la campagne » et se donnant des grands airs.
On suit quelques personnages louches et hauts en couleur qui entourent son père. On comprends peu à peu ce qu’ils font là, quelles sont leurs relations, à mesure des progrès de l’enquête du narrateur.
Toute une partie du roman est écrite à la deuxième personne, « vous », comme un dialogue intérieur du narrateur s’adressant à ce père recherché. Je n’aime pas cela d’habitude, cela exclue le lecteur je trouve, mais là, ça fonctionne, on est plongé dans le cheminement de pensée du narrateur, dans sa quête et son obsession.

Modiano n’a pas son pareil pour faire revivre des ambiances disparues, il m’a envoûtée une fois de plus ! Finalement, l’histoire en fil rouge n’a pas tant d’importance, ce qui compte ce sont les personnages tirés du néant, et ses descriptions, floues, dépeintes comme des œuvres impressionnistes d’une écriture hypnotique qui nous absorbe, et nous donne l’impression d’un rêve éveillé à nous aussi, à l’instar du narrateur. Nous nous retrouvons englués dans ce Paris disparu (son thème fétiche) et cette maison de campagne comme dans des sables mouvants. A lire d’une traite pour ne pas rompre le sortilège et bien s’immerger !

Quelques citations

Vous aviez ce même air de voyageur en transit attendant un paquebot ou un train qui ne viendra jamais.

Plus tard, je marcherai à travers cette ville et elle me paraîtra aussi absente qu’aujourd’hui. Je me perdrai dans le dédale des rues, à la recherche de votre ombre. Jusqu’à me confondre avec elle.

Du centre de Paris, un courant mystérieux nous faisait dériver jusqu’aux boulevards de ceinture. La ville y rejette ses déchets et ses alluvions. Soult, Masséna, Davout, Kellerman. Pourquoi a-t-on donné des noms de vainqueurs à ces lieux incertains ? Elle était là, notre patrie.

Nous aurons beau faire, nous ne connaîtrons jamais la douce immobilité des choses. Nous marcherons jusqu’au bout sur des sables mouvants.

C’était fou, comme on s’amusait à Paris en ce moment. Muraille lui avait dit qu’il en était toujours ainsi, à la veille des catastrophes. Que voulait-il dire ? Elle, la politique, ça ne l’intéressait pas. Ni le sort du monde. Elle ne pensait qu’à JOUIR. Vite et fort.

 

2 commentaires

  1. Luc a écrit :

    Très belle chronique d’un de mes auteurs préférés. Merci Clarissa

    1. a écrit :

      Merci Luc ! Je l’aime beaucoup aussi, j’adore me plonger dans l’atmosphère si particulière de ses romans

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