Hervelino, de Mathieu Lindon

Lindon-Hervelino-Folio

   J’ai beaucoup aimé les livres d’Hervé Guibert, son écriture, sa façon d’ouvrir son coeur, de se livrer corps et âme, émue aussi par le tragique de sa vie trop vite interrompue par le Sida que l’on ne savait pas encore soigner… A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie bien sûr, qui l’a révélé ; Le Mausolée des amants, son journal ; Fou de Vincent, son amour passionnel, et d’autres… Une écriture crue, sincère, claire, acide, sur lui-même, sans complaisance, impudique, teintée d’autodérision, d’humour noir…
   Aussi étais-je ravie de croiser ce petit livre dans les rayons de ma librairie préférée (Le Merle moqueur, petite pub au passage), sur les souvenirs de jeunesse de Mathieu Lindon avec Hervé Guibert.

   Au départ j’étais un peu déroutée par le style, l’auteur égrène ses souvenirs dans un désordre plus ou moins chronologique, de digressions en digressions, d’une anecdote à l’autre, comme lorsque l’on raconte une histoire à l’oral, citant des personnages comme si nous les connaissions, sans jamais nous expliquer les rencontres, ni leurs histoires, ou à peine.
   Et puis je me suis plongée dans le livre, et la magie de la lecture a opéré, il me parlait directement à l’oreille, je ne l’ai plus lâché. J’étais avec eux, avec l’auteur surtout, et dans la contemplation d’Hervé Guibert — et je comprends que ses amis en étaient fous.  
   C’est l’histoire d’une amitié entre écrivains, dont l’un a disparu trop tôt, leurs fous rires, leurs galères, leurs bêtises… Ils s’amusaient de tout, Hervé Guibert surtout, libre avant tout, irrévérencieux, moqueur, égoïste, insouciant, mais déjà l’ombre de la maladie s’étend peu à peu sur lui et son entourage. Ils s’entraidaient aussi, chacun relisant les manuscrits de l’autre.
   Ils se retrouvent tous les deux, jeunes, libres, gays, résidents de la maison Medicis à Rome (qui accueille des écrivains – mais ils n’ont pas l’air d’écrire beaucoup, surtout l’auteur ^^), et nouent une amitié indéfectible. Les année 80 revivent sous la plume de l’auteur, une ambiance disparue, qu’on imagine mal aujourd’hui, sans internet ni portable, ni ordinateur perso (on écrivait les livres à la machine à écrire !), on avait juste le téléphone fixe et la poste ! Ils se perdaient souvent en voiture, s’ennuyaient beaucoup aussi, tournaient en rond, se fâchaient parfois, toujours collés et unis comme les doigts de la main…
   Le livre reste centré sur ces deux années à Rome, j’aurais aimé qu’il balaye un champ plus vaste, les années qui précèdent, leurs 400 coups, leurs amours….

   Quand j’ai terminé le livre, des larmes me sont venues (comme je déteste ma sensiblerie à la noix)
   L’homme s’est inquiété :
  — Ton livre était triste ?
  — Non, enfin, oui, mais bon, je connaissais déjà la fin… je suis triste car le livre est terminé, c’était trop court ! Je ne suis plus avec eux, dans l’intimité de leur amitié, avec Hervé Guibert bien vivant, affectueux, cruel, égoïste, à l’humour féroce, diaboliquement et terriblement intelligent, et il me manque…
   Et puis je me console en me disant que je peux toujours lire / relire ses livres, mais les romans, même autobiographiques, ne sont jamais totalement la réalité de l’auteur, même s’ils en disent quelque chose. Seuls ceux qui l’ont connu peuvent le faire revivre, et ils sont un peu paresseux je trouve ! Je reste sur ma faim, même si c’était très bon déjà, et un peu douloureux.

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