Voyager seule, ce n’est pas seulement se tourner pleinement vers un nouveau lieu sans avoir à se soucier de l’autre (son bien-être, son plaisir, ses pensées), c’est aussi se retrouver avec soi-même, suivre ses envies, et découvrir enfin ce que l’on aime.
Quand je ne suis pas seule, mes envies sont assujetties à celles des autres, qui passent avant les miennes (même s’ils ne l’exigent pas). Je m’efface pour « suivre », soucieuse de préserver avant tout « la bonne ambiance » et d’être une compagne de voyage facile à vivre et reconnaissante (puisque souvent je n’ai rien préparé du côté logistique). Je préfère donc contribuer à la bonne ambiance plutôt que faire valoir mes volontés, dont d’ailleurs j’ignore tout tant je les enfouis profondément, toute tournée vers celles des autres, et occupée à ouvrir grand les oreilles à l’écoute de leurs désirs (amis, famille).
On n’expérimente la vraie liberté que seule ! Je découvre par exemple que je n’aime pas les longs repas qui s’éternisent (bon, en fait je le sais depuis l’enfance), je préfère manger sur le pouce, très mal, et arpenter la ville, faire les magasins sans honte, zapper les musées de peinture pour me concentrer sur les musées qui m’intéressent.
Même si la liberté peut se révéler cruelle parfois : il y a des moments de solitude, d’indécision, d’errance (je ne sais pas trop ce que je veux, trop de choses me tentent, ou rien ne me tente, ou pas assez), de paresse, de timidité (manger seule au restaurant), et des galères aussi, comme dans cette gare qui n’affiche les quais de départ qu’avec parcimonie, ce stress, et aucun siège où se poser pour les anxieuses qui sont arrivées 2h à l’avance (autant prendre l’avion).
Le train démarre enfin, je suis dedans, ma valise aussi, j’en pleurerais de soulagement et de reconnaissance, tant je me suis vue le rater, alors que j’y ai droit, rires, j’ai le droit d’être là, à cette place ! Ce sentiment d’imposture qui empoisonne toute ma vie, tout le temps, avec des pensées automatiques : les contrôleurs vont venir, ils vont me virer pour une raison X ou Y, etc…) : je ne suis pas à ma place, je suis décalée, tout le temps : trop vieille pour les soirées techno, trop douce pour les soirées bdsm, trop délicate pour les soirées libertines, trop terre à terre pour les soirées tantra, etc…


