J’aime bien observer les kinks et les fétichismes des autres, étranges et fascinants à mes yeux ! Et me pencher sur les miens à l’occasion, observer leurs effets avec étonnement et amusement, avant de les savourer… Ce délice de s’adonner à ses fétichismes !
J’ai déjà évoqué mon goût des uniformes – qui peut me pousser à suivre un fêtard inconnu dans une fête fetish, malgré ma confusion, ou à échanger des messages avec des porteurs d’uniformes à l’autre bout de la France…
J’aime aussi beaucoup tout ce qui a trait à l’intelligence scientifique, littéraire…
Deux fétichismes ultraclassiques, rien d’original, mais les effets ressentis n’en sont pas moins magiques pour celles qui en sont « victimes » ^^
En bonne archiviste-documentaliste, je rassemble ici quelques souvenirs et anecdotes, et en tire quelques conclusions hâtives sir la sapiosexualité qui n’engagent que moi, ma façon de vivre ce fétichisme (à l’occasion seulement, ce n’est pas toute ma vie !), les déclencheurs, les manifestations, etc.
Ce n’est pas forcément sexuel – et même rarement je trouve
Malgré le nom de cette paraphilie, cela peut se traduire par un sentiment d’admiration, sans basculer vers « autre chose ». Seulement le plaisir d’un moment partagé, de se sentir sur la même longueur d’onde avec quelqu’un ; ou d’être tout à coup subjuguée par un conférencier.
* C’est souvent dirigé vers nos « supérieurs », surtout quand on est jeune, et c’est alors un puissant moteur de motivation !
Je me souviens de certains professeurs et professeures de collège, puis de lycée que j’admirais profondément – et je travaillais donc beaucoup dans leurs matières, motivée à fond ! Une relation de mentor à disciple, sans qu’il soit question d’un quelconque désir sexuel (ou alors, sacrément bien enfoui !)
Ensuite, j’ai eu des chefs très charismatiques, parfois brillantissimes, et c’était un pur plaisir de travailler jour et nuit pour eux, boostée par mon admiration et mon envie de les côtoyer, de me repaître de leur présence comme une vampire et de m’en pourlécher les babines, réunions après réunions, buvant leurs paroles et prenant des notes frénétiquement. Certains ont remarqué mon enthousiasme sans faille et mon ardeur au travail, et confié des missions qui me permettaient de les rencontrer en tête à tête. Je me montrais fébrile des pieds à la tête, enflammée comme une fusée sur le point de s’arracher à l’attraction terrestre, bouillonnante d’idées et d’implication. Sur laquelle ils se méprenaient, innocents qu’ils étaient – hé non, ce n’était pas la mission qu’ils me confiaient qui me motivait tant, mais eux, leur personne, leur façon d’être, de parler, de réfléchir, de raisonner, d’innover. Leur vivacité, leur finesse, leur intuition, leur courage aussi… Un jour, je rouvrirai mon profil linked-in pour leur écrire et leur dire qu’ils étaient ma raison d’aimer mon entreprise et mon travail – avec les collègues aussi, on s’est quand même beaucoup amusés !
C’est parfois lié à un métier qui fait rêver
* Une nuit, je dansais en toute insouciance, quand soudain je pile net. Je ne suis plus préoccupée de musique et de danse, je préfère m’attarder auprès d’un inconnu, le faire parler (je viens d’apprendre son métier par hasard), déguster ses propos comme une délicieuse glace au citron, et sentir mes pensées pétiller de joie et de désir (d’en savoir plus), chatouillées et électrisées.
Je n’ai pas osé lui poser la question suprême : « quel est le titre de votre thèse ? » Orgasme cérébral garanti, mais ça aurait été bizarre dans ce contexte festif…
Il n’est pas évident de discuter, la musique est trop forte, il me glisse à l’oreille cette proposition éternelle :
— On échange nos numéros et on prend un café un jour si vous voulez ?
Le malheureux ! Il ne se doute pas qu’il vient de rencontrer une succube qui va lui lécher le cerveau directement.
* Une autre soirée encore, un homme me conte vaguement fleurette au bar, je le considère distraitement en attendant mon verre. Il me pose la question rituelle : « et sinon, tu fais quoi dans la vie ? »
– … et toi ?
– Chercheur en mathématiques
Je me fige comme un chien à l’arrêt ayant débusqué un lapin, je me tourne franchement vers lui, j’ouvre grands les yeux et les oreilles, et je m’enquiers mine de rien du domaine de recherche exact. C’est encore plus jouissif si je n’y comprends goutte, je m’exalte toute entière au seul énoncé de formules obscures.
Il rit, amusé de mon intérêt, et se dit « bien plus fasciné par les artistes, la création, l’inspiration et les muses… alors que les maths, c’est concret, cela s’appuie sur des lois, des théorèmes, aucune fantaisie là-dedans ». Certes… mais seules les intelligences supérieures s’y ébattent comme des poissons dans l’eau. Mais ça, je ne le lui dis pas, il ne faudrait pas qu’il prenne la grosse tête, alors qu’il semble si timide et gentil.
et cet autre qui me révèle son doctorat en biologie moléculaire (comme un cheveu sur la soupe, mais j’ai marqué un temps et me suis attardée plus que de raison !)
C’est souvent lié à la littérature, l’histoire, l’histoire de l’art, les langues étrangères, la culture en général…
* Lors d’une soirée, une amie artiste de scène, charmeuse, irrésistible, se penche vers moi et me susurre à l’oreille des textes, des poèmes, déclamés avec tout son talent d’actrice. Je sens ses lèvres qui chatouillent mon oreille, sa voix me réchauffe toute, les mots des poètes me montent directement au cerveau… Elle a choisi des poèmes charnels, sensuels, et les murmure de sa voix chaude, le tout sur fond de musique techno, avec les gens qui dansent, boivent tout autour de nous. Un instant d’éternité ! Je voudrais m’allonger sur le sol, fermer les yeux, me laisser transporter par ses mots, tandis que des inconnus me caressent lentement.
* Et je ne compte plus ces amis et connaissances qui ont dû discourir dans des langues étrangères pour me faire plaisir, m’accompagner dans des expos pour jouer les guides en Égypte ancienne ou autre, me parler de leurs métiers obscurs – plus c’est compliqué, mieux c’est, le summum étant l’astrophysique – (Un ami m’a percée à jour, et m’envoie régulièrement des photos de son écran avec des lignes de codes à l’infini).
Mais il n’est pas nécessaire de ne rien comprendre pour frissonner de désir. Je me souviens d’échanges passionnants et palpitants avec de grands lecteurs ou lectrices, ou des écrivains et écrivaines. Je me souviens d’un en particulier, qui écrivait une histoire s’étendant sur plusieurs tomes, avec une multitudes de personnages et de situations imbriquées les unes dans les autres, ou découlant les unes des autres, d’un tome à l’autre…
Ces délicieux frissons peuvent être « provoqués » !
J’ai découvert cela récemment et cela ouvre moult possibilités. Bien sûr, je recherchais ces frissons en fréquentant les « bonnes personnes », les musées, les conférences parfois, etc… Mais cette fois, cela va un cran plus loin : il n’est pas nécessaire que tout repose sur mon interlocuteur ! On m’a démontré que ce frisson pouvait être délibérément provoqué, avec l’aide d’un « agent intermédiaire », au lieu de survenir par surprise !
* Récemment, lors d’un événement plus calme, je discute avec un participant. On tombe d’accord : on va toujours beaucoup trop vite, on se croque, on se dévore, alors qu’on pourrait prendre notre temps, solliciter tous nos sens : se regarder longuement, s’effleurer… sans aller au-delà. Des moments lents, poétiques et sensuels, où l’on finit par s’oublier… Les mots sont de formidables vecteurs d’émotion, et trop souvent on oublie le sens de l’ouïe, ajoute-t-il. Il me propose une expérience : me chuchoter un poème à l’oreille. Je ferme les yeux pour me couper du monde et me concentrer sur ses mots. Ce poème de Gérard de Nerval est un enchantement, je ne comprends pas toute l’histoire, mais la musique de la poésie est magique, et s’ajoute à ses lèvres chatouillant délicatement mon oreille (j’ai dû me retenir pour ne pas rire au tout début), et sa joue qui picote la mienne. Il s’excuse avant de me proposer un deuxième poème : « Il est triste, tu le veux bien quand même ? ». Je me sens tellement joyeuse qu’il n’y a aucun risque de me laisser gagner par le spleen de l’auteur, je serai juste touchée par sa poésie. Baudelaire ! Je reconnais ce beau poème Où l’Espérance, comme une chauve-souris S’en va battant les murs de son aile timide, et je le redécouvre avec plaisir, grâce à sa voix et son contact. De merveilleuses poésies et des contacts légers… Délices de sapiosexuels ! On devrait dire sapiosensuels plutôt…
*L’un des ateliers Art Q propose une expérience proche : un ami nous pose un casque sur les oreilles, il a enregistré un texte érotique de sa belle voix grave. Et il nous masse les épaules, la nuque, tandis que nous écoutons son histoire !
Ce n’est pas forcément pour toujours
Ce qui nous a fait de l’effet longtemps, peut finalement s’évanouir, disparaître, d’un coup ou au fil du temps.
*Ainsi, j’ai longtemps admiré les joueurs et joueuses d’échecs, jeu qui me semblait le plus difficile au monde. Mais finalement la série « Le jeu de la dame » a quelque peu démystifié les choses, résumant le jeu d’échecs à haut niveau à de l’apprentissage par cœur d’ouvertures et de parties célèbres, assorti d’une puissance de calcul digne d’ordinateur (j’exagère bien sûr)
*Un ami a aussi douché mon enthousiasme en me révélant les arcanes de l’IA et la laborieuse programmation de ChatGPT…
*Enfin, des personnes vénérées en secret peuvent brusquement (ou peu à peu) chuter de leur piédestal (sans qu’elles le sussent), suite à une réflexion déplacée, une maladresse, une dissipation de leur mystère quand je les connais mieux… (à quoi ça tient ^^)

– Photo : films Will Hunting, Imitation game (le décryptage de la machine Enigma pendant la seconde guerre mondiale)


