Ding dong
— C’est le plombier ! Le plombier de la résidence…
Je suis habillée, ouf, je ne suis pas dans un mauvais scénario de film X, mais dans la triste réalité d’une copropriété avec ses soucis logistiques.
Le plombier entre, jovial, flanqué de son timide padawan : inondation chez mon voisin du dessous, celui en dessous, en ainsi de suite jusqu’aux caves ! (Les caves, j’avais remarqué, ça fait plusieurs jours qu’on patauge jusqu’aux places de parking)
— Je peux voir votre trappe ? Ah oui, ça vient bien de chez vous… Oh là là là là mais c’est impossible, je ne peux pas accéder à la vanne là, votre trappe est trop petite, il va falloir casser
— Moi, au bout de ma vie : s’il le faut, je n’ai pas trop le choix… vous pouvez casser « proprement » ?
— Ah non, car il faudrait déplacer ci, et ça, moi je viens en urgence pour le compte de la résidence, juste pour stopper la fuite, sinon il faut voir avec un plombier de ville, et en attendant vous coupez l’eau froide, c’est vous qui voyez ma petite dame !
La moutarde me monte au nez, mais il existe une règle dans la vie : ne jamais se fâcher avec son plombier, en plus il est sympa, même s’il la ramène un peu, ça a dû lui échapper. Le padawan se recroqueville de gène et me jette un coup d’œil désolé. Je le rassure d’un regard, il n’est pas responsable, tout va bien.
Je plaque un sourire sur mon visage blême.
— Je ne suis pas votre petite dame ! Ces colonnes font partie des parties communes, pourquoi ce serait à moi de financer les réparations ?
— A partir de la vanne, ce sont les parties privatives, c’est pour vous !
— Oui, mais la vanne elle-même alors ?
— Moi je suis OK pour changer le joint, mais je vais devoir casser vite fait (sous-entendu, ce ne sera pas beau à voir, mais il y a urgence)
— Les inondations du parking ont démarré peu après les vérifications des robinets par la société X, ça pourrait être à cause d’eux ? Ils avaient galéré sur notre robinet
— Ah oui, faut voir avec eux alors, ya pas de raisons que vous payez si c’est leur faute ! Moi je suis indépendant, j’aime le travail bien fait, je me sens responsable, eux ils ont un patron, ils n’en ont rien à faire, ils partent vite fait prendre le café, ah ah ! (nice de baver sur des confrères) Bon je vous donne mon numéro, vous me recontactez quand vous serez décidée, je suis dans l’immeuble jusqu’à midi !
On appelle le syndic, qui dépêche chez nous la société X toujours sur les lieux, en train de vérifier les robinets des quelques 300 appartements de la résidence – ce travail de Titan étalé sur un mois.
Deux nouveaux plombiers se présentent, discrets, efficaces, patients. Point de vantardises, point d’esbrouffe, ou de ma petite dame. L’un d’eux se met aussitôt au travail, concentré, et progresse, millimètre par millimètre, Il revient bientôt victorieux : il a réussi !
Je le félicite, le remercie abondamment (il a d’ailleurs de beaux yeux bleus), et me réjouis de ne pas m’être laissée embobinée par le premier plombier, son ma petite dame m’avait refroidie direct et me reste en travers de la gorge !
Maintenant, nous attendent de plaisantes corvées administratives avec les assurances, les appartements que l’on a inondés, le syndic… et comme me l’a dit la gardienne avec un sourire ravi du malheur d’autrui « en pleines périodes des fêtes en plus ! ça va être duuuur ! »
Ouais
(La plomberie n’est pas une science exacte, l’un veut tout casser, l’autre répare avec une précision d’horloger. C’est comme la chirurgie d’ailleurs. Combien d’amis m’ont raconté que tel médecin préconisait une opération, le suivant conseillait autre chose ! Quand il s’agit d’un mur à casser ou pas, moindre mal, mais son propre corps, je n’ose imaginer les affres, il ne reste plus qu’à consulter un troisième confrère !)
