Un souvenir de vacances qui n’a rien d’érotique, puisqu’il est question de protection des animaux, de liens familiaux, mais j’ai la flemme de créer un autre blog, alors il faut me prendre avec tous mes centres d’intérêts 😉
Céline se repose, sereine, assise sur sa serviette de plage, elle laisse son regard errer sur les vacanciers aux alentours, la mer bleue, souriant aux jeux et barbotages de ses filles, quand soudain, son regard se fige. Elle vient de repérer une étoile de mer dans un verre, près de ses voisins. C’est une toute petite étoile de mer, un bébé qui n’a pas encore vécu sa vie d’étoile de mer, qui débute à peine, d’une belle couleur orangée, très à l’étroit dans ce verre. Son sang ne fait qu’une tour – elle a toujours aimé les animaux, enfant, elle était du genre à sauver les insectes de la noyade dans une piscine au lieu de s’amuser. Ça ne s’est pas arrangé en grandissant.
Elle imagine se saisir du verre d’eau et s’enfuir. Elle aurait le temps peut-être de lancer l’étoile à la mer… Son cœur s’accélère, elle a l’impression de préparer le braquage d’une banque. La dame qui a emprisonné l’étoile lui tourne le dos, se balance, met parfois en péril l’équilibre du verre. Que se passerait-il si le verre tombait, si l’eau se renversait… Céline souffre en silence et bientôt ne pense plus qu’à l’étoile. Les plaisirs de la plage, les rayons de soleil, l’eau fraîche, tout s’est évanoui…
Céline ne la voit pas bouger mais à chaque fois que son regard se tourne vers la jolie étoile orange, elle a changé de position. Elle se contorsionne dans son verre et réussit à y faire des tours complets malgré son étroitesse. Quel cauchemar elle doit vivre, cherchant sans relâche une sortie qui n’existe pas. Céline tâche de se raisonner. Ce n’est qu’un animal, aquatique de surcroît, sans ressenti, conscience, ni sentiment, elle n’a pas à projeter sa propre horreur de l’enfermement.
Il est tard, ses filles s’impatientent, elles veulent rentrer, ivres de soleil et de bains de mer. Céline décide de laisser la petite en dehors de tout ça, pas la peine de les mêler à cette histoire d’étoile de mer promise à une mort certaine… Elle tente d’abord de sensibiliser leur père qui hausse les épaules, avant de se confier à la grande, qui développe une argumentation imparable.
– Mais maman, des étoiles de mer, il y a en 100 000 et là c’est juste une, ça change rien !
Elle sent qu’elle a raison, ce n’est pas raisonnable d’être touchée à ce point par une seule étoile de mer, mais c’est plus fort qu’elle. Cette étoile de mer, elle la connaît maintenant, elle s’en préoccupe depuis de longues minutes, elle a pris de l’importance, c’est le sort de celle-là qui l’intéresse et qui la touche. Antoine de St Exupéry en parle très bien dans le petit prince, à propos de la rose « C’est le temps que tu as perdu sur ta rose qui la fait si importante »
Elle comprend la grande, elle devine sa peur pour sa mère, la honte qu’elle retirerait des possibles rebuffades de leur voisine de plage. Comme elle serait mortifiée si sa mère se faisait insulter d’un méprisant « ‘mêlez-vous de ce qui nous regarde « . Céline sourit. Elle était comme elle autrefois plus jeune, peur de ce que vont penser les autres, peur de l’inconduite de sa mère qui allait l’embarrasser en parlant à des inconnus. Elle a ressenti tout cela au même âge et elle en garde un souvenir cuisant ! Un sentiment universel, Annie Ernaux en parle très bien dans ses livres, cette honte des parents que l’on ressent à l’adolescence car ils font des trucs bizarres, à côté de la plaque, ne disent pas ce qu’ils faut, ne s’habillent pas comme l’attend l’ado…Tout cela n’a plus aucune importance, tout est plus simple quand on se concentre sur l’essentiel, cette petite étoile de mer en l’occurrence. Céline hésite un instant, elle est sur le point de renoncer, de ne rien faire, pour ne pas embarrasser sa grande fille, retarder la famille, mais elle sait qu’elle le regrettera, et que la vision de la petite étoile de mer la hantera.
Alors elle ruse, elle laisse sa petite famille prendre de l’avance, elle s’attarde, et dès qu’elle est sure qu’ils ne puissent plus l’entendre ni la retenir, elle se lance, loin des haussements d’épaules du mari agacé, et des « mais mamaaaan ! »horrifiés de la grande. Elle s’approche de la dame et l’interpelle.
– Oh quelle jolie petite étoile de mer ! Vous avez de la chance, vous l’avez trouvée où ?
Par la flatterie, on obtient toujours bien plus que par l’agressivité. La dame lui sourit, lui répond.
– Dans la rivière, un peu plus haut !
Céline est tout sourire, fait risette au bébé dans son cosy avant de passer son message.
– Par contre, elle risque de ne pas vivre longtemps comme ça, si vous ne la remettrez pas dans l’eau bientôt ?
– Oui,, quand on part, on la libère, là où on l’a trouvée !
Le cœur en fête, Céline se hâte vers les siens, et raconte, toute fière, ce qu’elle vient de faire. La grande douche son enthousiasme, avec la cruauté des ados.
– Si ça se trouve, elle le fera pas..
C’est égal, elle a passé son message elle ne part pas le cœur lourd de regret mais léger d’avoir tenté quelque chose. Elle sourit. Heureusement que la grande et la petite sont là, dieu sait quelles folies elle ferait sinon … Attendre le départ de cette famille, les prendre en filature, s’assurer du destin de l’étoile de mer , intervenir au besoin , risquer gros peut être …
(Photo prise sur le net, retirée ou créditée sur simple demande)


