Je poursuis ma série sur mes premiers émois bdsm, inspirée par La Pointe du cul, avec cette fois des souvenirs plus tardifs, des souvenirs d’entreprise : les relations de management sont des relations D/s (domination/soumission) qui s’ignorent ! Après tout, l’un ordonne, l’autre obéit, et, dans le meilleur des cas, les deux éprouvent du plaisir, et souffrent aussi ! Et de cette souffrance vécue en commun peut naître quelque chose qui ne dit pas encore son nom…
Spéciale dédicace à mes chefs adulés et qui n’en n’ont jamais rien su !
J’ai appartenu de longues années à une grande entreprise (avant de lui rendre mon collier ; merci pour tout, c’était très bien, mais restons-là). J’en ai d’excellents souvenirs, en particulier de mes chefs, qui ne soupçonnaient pas l’émoi qu’ils provoquaient, innocents qu’ils étaient !
J’aimais énormément avoir un chef ! J’en ai changé souvent, au gré de leurs changements de postes ou des miens, et bien sûr, j’ai eu mes chouchous, des chefs que j’adorais, et pour qui j’aurais tout fait ; je les aurais défendus bec et ongles et menti comme une arracheuse de dents ! – mais ce ne fut pas nécessaire. On s’appelait tous par nos prénoms dans cette entreprise, on se tutoyait, mais souvent, je les appelais « chef » juste pour le plaisir ! Je me pourléchais les babines à longueur de journée quand je pensais que j’avais un chef, et parler de mon chef à des collègues, des amis, me ravissait ! Mon chef à moi pensai-je (bon en fait, on était toute une équipe ^^ sous ses ordres)
Je vouais une admiration sans borne à certains de mes chefs : ils débordaient d’énergie, de créativité, ils n’avaient peur de rien, ils étaient plein d’humour et de fougue ! Ils étaient beaux aussi… Ils ne se doutaient pas du feu qu’ils entretenaient, des élans que je ressentais. Je restais toujours impassible et irréprochable derrière mes lunettes, mais je les couvais du regard, je buvais leurs paroles et je bouillais intérieurement.
J’étais mûre pour devenir soumise à un maître à l’époque, mais je n’étais pas du tout dans le milieu du bdsm. Je n’en connaissais qu’Histoire d’O, fascinant, excitant, mais bien pour trop hard pour être envisagé dans « la vraie vie » ! Je ne voulais pas être humiliée, utilisée, abusée ; je voulais être subjuguée ! Je voulais m’exalter, m’enthousiasmer, me liquéfier devant leur intelligence, leur intrépidité, et leur costume-cravate — pour certains, car la plupart avaient déjà jeté la cravate aux orties)
Aucun ne s’est douté de quoi que ce soit, fort heureusement !
J’ai juste fait un lapsus une fois avec l’un d’eux, alors qu’on travaillait sur le budget, tête contre tête devant son écran d’ordinateur :
— Il faut baiser… heu baisser les dépenses !!
Mon cœur s’est mis à battre à 100 à l’heure, mes jambes se sont dérobées sous moi, ma tête fourmillait, j’étais à deux doigts de m’évanouir de honte… Il n’a pas réagi, plongé dans Excel. Il a bien compris baissé me suis-je dit, ouf, ou a fait semblant pour ne pas aggraver ma confusion (j’en ai fait une nouvelle, il faudra que je la publie par ici)
Un jour, à la faveur d’un projet, j’ai travaillé directement avec un chef bien au-dessus de ma tête, un grand directeur dont les idées fusaient à la vitesse de la lumière. Il me traitait pourtant avec naturel, me déléguant en confiance de larges parties du projet. Évidemment, je travaillais jours et nuits, heureuse de me dédier à lui, enchaînée à mon poste de travail, guettant ses sourires et sa satisfaction. Un soir, je me suis même laissé enfermer dans une grande tour, tant il était tard. J’ai été délivrée par des pompiers aux petits soins, mais je n’avais d’yeux que pour mon chef – qui était déjà parti, lui). Quand le projet prit fin, je ressentis un tel sentiment de vide, d’abandon, presque un chagrin d’amour ! Je retrouvais mon chef direct qui faisait bien pâle figure à côté…
Et puis ce fut mon tour d’être cheffe, youhoo ! Et j’avais avec moi ce cadeau du ciel : un adjoint dévoué corps et âme. On était comme les deux doigts de la main, unis, complices, on se comprenait au quart de tour, presque comme si on avait un langage secret de jumeaux, un langage à base d’échanges de regards lourds de sous-entendus et de sourires en coin. On riait beaucoup, on travaillait énormément, on souffrait ensemble, unis contre la méchante direction tout la-haut dans l’organigramme, et c’était bon de souffrir ! On voyait toujours le coté comique, on se couvrait l’un l’autre, soudés envers et contre tout, et on manageait nos ouailles avec attendrissement, tant qu’ils ne nous rapportaient pas des histoires de cour de récré – là je devenais impitoyable et je sonnai la fin de la récré en envoyant tout le monde au coin, avec un drôle de ressenti, un soupçon de jouissance sadique (resté soigneusement enfoui, je suis restée pro, avançant des arguments imparables)
À présent, ce qui ressemble le plus à un chef dans ma vie, c’est un éditeur ou une éditrice ! Je les admire pour leur force de travail, leurs prises de risques, leur compétences, leur gestion délicate, ferme parfois, des doutes, des tentatives de négo et des egos des auteurs et autrices !
J’en ai fait les frais récemment, j’ai tenté une négociation sur des délais, j’ai reçu un non sans appel, et j’ai été bizarrement émoustillée, comme un souvenir de l’époque où j’avais des chefs qui me disaient non (et je me rendais de bonne grâce, d’accord, avec un drôle de ressenti, suave et agréable, tout à fait paradoxal) – mais le plus souvent ils me disaient oui.
– Photo : Film Le loup de Wall Street


