En raison de vacances prévues dans sa région, j’ai eu envie de lire les souvenirs de Ste Thérèse de Lisieux (manuscrit A) – sans doute aussi en raison de ma propre âme toute noire, attirée par la perversion et les tabous, qui s’est retrouvée cette fois attirée par tout le contraire, la lumière et la pureté (les contraires s’attirent)
Une lecture bien éloignée de mes centres d’intérêt dont je parle habituellement ici – quoique : je n’ai pas pu m’empêcher de commettre ce sacrilège, faire le rapprochement entre la vie cloitrée des religieuses et le goût de l’enfermement, incompréhensible et si attirant pourtant !
Histoire d’une âme, les souvenirs de Ste Thérèse
Je découvre une enfant et une jeune fille candide, exaltée, avec une vie intérieure intense et foisonnante, se torturant pour des petits riens, cherchant à tout prix à bien faire, luttant de son mieux contre des « défauts » qui me paraissent tout à fait bénins, et même adorables (son caractère, sa vivacité, son prétendu narcissisme parfois…)
Ste Thérèse nous partage ses pensées, ses élans, ses contrariétés, avec naïveté et profondeur à la fois, et pas mal d’humour et d’auto dérision aussi. Une jeune fille très timide et dotée d’une détermination sans faille lui permettant de surmonter sa timidité, puisqu’elle va jusqu’à plaider sa cause devant le pape pour entrer au plus vite au Carmel. (Elle est trop jeune, mais grâce à son empressement désarmant, elle obtiendra gain de cause, avec un léger délai, dont elle souffrira beaucoup, tellement impatiente !).
Elle remercie Dieu de l’avoir appelée à lui si jeune, elle n’aura pas eu le temps de s’intéresser aux hommes. Je me suis sentie désolée pour elle, mais elle semble tellement heureuse de sa condition, qu’elle réussit à m’en convaincre. Seul souci, sa santé est chancelante, mais elle garde le sourire, continue de travailler, d’écrire jusqu’au bout… trop touchante ! J’ai ressenti un grand élan vers elle, et beaucoup de tristesse aussi, car on connaît la fin.
Très sensible, très humble, aspirant à la Sainteté sans oser y croire, elle a finalement créé une nouvelle façon d’y parvenir, loin des martyrs et des Saints ayant accompli de grandes choses (fondation d’ordres, etc), à travers des petits pas, en confiance, avec beaucoup d’amour.
Une jeune fille bien de son temps, fruit de son époque : la fin du 19e, où la religion tenant une si grande place (les apparitions de la vierge se multiplient, le goût des reliques et des mortifications bat son plein…), et de son éducation très pieuse, un « conditionnement » bienveillant et plein d’amour (elles sont 5 sœurs, toutes devenues religieuses, et ses parents sont devenus saints à leur tour plus tard).
Il me reste ses autres manuscrits à lire (B et C), je diffère leur lecture, je redoute la vocation, à force ^^. Et puis ce sont surtout les débuts qui m’intéressent, ce mystérieux appel de Dieu qui fait tout quitter pour s’enfermer, et Ste Thérèse le ressent dans son cœur depuis sa naissance ou presque ! (ce qui n’éclaire pas complètement le mystère)
De l’enfermement
Je souffre d’une légère claustrophobie je pense : où que je sois, je veux pouvoir sortir et partir quand je veux ! Je repère les sorties dans les cinémas et les théâtres, les gares quand je suis en vacances. Je n’aime pas les portes fermées, je préfère aller en soirées sans cavalier pour être libre d’aller et venir et de partir quand je veux… Les longs voyages en avion sont particulièrement éprouvants, il faut que le désir de la destination dépasse de loin le désagrément de l’enfermement pendant des heures et des heures.
C’est aussi en partie pour cela que certaines expériences de contraintes (les cordes, l’emmaillotement) se révèlent si intenses et bouleversantes ! L’anxiété ajoute du sel, on ressent des émotions inconnues et enivrantes (tant que l’on se sent en sécurité au fond, et en confiance) Transcender ses phobies en plaisir bizarre ! (il faudrait un autre mot que plaisir)
Ce que l’on redoute nous attire ! (les bizarreries de l’esprit humain), et depuis toujours je suis curieuse de l’enfermement volontaire, des motivations et du quotidien de ceux et celles qui le choisissent : les sous-mariniers, les astronautes, les scientifiques du pôle Sud, les spéléologues, les geeks japonais, les amateurs de certaines pratiques bdsm autour des contraintes et de l’enfermement, pouvant aller jusqu’à des jeux de rôles mettant en scène des séjours en prison durant plusieurs jours).
Pour tous, que ce soit en raison de leur métier ou de leurs loisirs, c’est provisoire, quelques mois tout au plus pour les astronautes (ce sera une autre histoire au moment d’aller sur Mars ! De mémoire 9 mois l’aller, 9 mois le retour, et il faudra bien rester un peu sur place), quelques semaines pour les sous-mariniers, quelques instants pour les soumis et soumises… mais les moines et les moniales s’engagent pour toujours, pour toute leur vie !
Le couvent et la liberté
Donc je place la liberté très haut dans mes valeurs (liberté d’aller et venir à sa guise, d’aimer qui on veut comme on veut, etc. – tant qu’il y a consentement et pas d’abus !),
Me retrouver enfermée pour toujours dans un endroit sans pouvoir en sortir représente mon pire cauchemar, et les couvents, l’enfer sur terre : une vie emprisonnée, répétitive, faite de privations, de silences, d’oraisons, de rituels dont le sens s’est plus ou moins perdu (à mes yeux en tout cas). Une absence de vie en fait, le tombeau avant l’heure… Alors qu’il me paraît plus agréable et plus utile de participer par exemple à des missions humanitaires, éducatives, etc…
Je suis fascinée par ce mystère des vocations des moines et des religieuses : pourquoi choisir une vie recluse, renoncer aux plaisirs de la vie (notamment de la chair), aux voyages, pour se contenter d’une vie mystique et spirituelle, d’amour désincarné, en renonçant à la liberté de son emploi du temps et de ses loisirs
Ste Thérèse lève le voile sur ces mystères. Elle nous confie le cours de ses pensées, ses doutes et ses combats, et décrit la force de sa vocation religieuse, inébranlable, depuis toute petite. Elle le veut plus que tout et depuis toujours ! ,
Elle vit son « enfermement » de façon lumineuse et quasi extatique, avec simplicité, naturel, et de tout son cœur, complètement tournée vers Dieu. Une vie avec aussi son lot de frottements inévitables avec des religieuses, une vie de sacrifices joyeusement consentis, de souffrances accueillies comme des grâces, avec reconnaissance, transcendées et offertes à son « fiancé » du ciel.
Et contrairement à moi, elle ne voit pas cette vie cloitrée comme inutile, au contraire : grâce à ses prières, ses lettres, elle aide et soutient des prêtres par exemple ! Et elle rayonne toujours depuis, inspire et réconforte grâce à ses écrits.
Finalement, notre regard, nos pensées, notre cœur, et nos désirs changent tout : l’enfermement volontaire, le comble de l’horreur pour l’une, le paradis terrestre pour l’autre !
Une lecture qui ne laissera personne indifférent je pense, et de mon côté je peux enfin comprendre les raisons de devenir religieuse, de renoncer à sa vie et de choisir le carmel, l’un des ordres les plus enfermant qui soit, de surcroit au 19e :
ce n’est pas « renoncer à sa vie », c’est « choisir sa vie ». Ce n’est pas parce que c’est contraire à ma vision d’une vie heureuse (s’amuser, voyager, faire la fête, s’entourer de sa famille, d’amis, etc…) que le choix de certaines de rester chastes et de se retirer du monde doit me serrer le cœur, au contraire ! Et au 19e, les filles n’avaient pas encore pris pleinement leur indépendance (difficultés pour travailler à haut niveau, pour choisir son mari parfois, aucune indépendance financière le plus souvent…) ; finalement, la vie au couvent représente un « vrai choix », et offre une vie en communauté entre filles, coopérative et égalitaire quelle que soit l’origine des filles. Un lieu de vie protégé, loin du patriarcat qui battait son plein à l’époque, et des violences du monde extérieur (même si l’ambiance entre filles peut être parfois agitée de petites jalousies et mesquineries – nous ne sommes pas parfaites, et même les futures saintes doivent lutter contre leurs penchants et leur vivacité ! Mais au moins, elles luttent et font pénitence de leurs « péchés », quand moi je m’y abandonne, m’y complais et même m’y adonne… mais je n’ai aucune aspiration à la sainteté, Dieu m’en garde ^^).
J’ai photographié des extraits, mais je manque de temps pour les sélectionner, parmi les milliers de photos prises cet été, de plein de livres différents… Plus tard peut-être !
J’ai visité hier la basilique Sainte Thérèse de Lisieux, je suis restée un peu perplexe devant ce lieu monumental, immense, digne du sacré cœur de Montmartre, quand Ste Thérèse se voulait si « petite », humble… Je me demande ce qu’elle en aurait pensé ! Et je suis perplexe aussi, gênée et peinée de cette survivance de la foi du 19e : l’exposition d’un os, ça m’a serré le cœur… Cela peut paraître un peu comique dit comme ça, mais ayant lu ses souvenirs, je me suis attachée à elle, et je n’ai pas aimé qu’une partie d’elle soit exhibée aux yeux de tous, même si c’est dans un joli coffret surchargé de dorures, entouré de milliers de bougies allumées. L’adoration des relique n’a plus rien à faire dans la religion catholique moderne je trouve. (Cela m’avait toujours amusée de croiser des reliques dans des églises (mon côté gothique), mais je ne connaissais pas les saints exposés. Là, Ste Thérèse est devenue comme une amie inaccessible, et cela ne pas pas plu de voir ce qu’ils ont fait de ses restes, cette exhibition indigne au milieu de tout cet or.)
Beaucoup de citations sur les murs, essentiellement sur ses souffrances, émouvant et triste. J’aurais choisi des passages plus joyeux, ses souvenirs en regorgent.

J’ai eu beaucoup de plaisir à visiter la maison de son enfance enfance, conservée intacte.
Ste Thérèse au carmel, en habit et déguisée en Jeanne d’Arc, pour une pièce de théâtre lors des récréations (ce mot tiré de l’école !) Elles devaient bien s’amuser, même si les pièces étaient toujours morales.



