J’ai lu cette version d’Antigone de Jean Anouilh en 3e (C’était une autre époque ^^), et voilà qu’elle figure de nouveau au programme de français de 2025, en 3e toujours ! Je la relis, curieuse.
Je reconnais que l’écriture a énormément de charme : la spontanéité butée d’Antigone, sa détermination touchante, toute petite face au roi Créon, excédé qu’on lui résiste (et j’ai beaucoup aimé les personnages secondaires : la nounou, et les gardes, ces maillons du pouvoir implacable, avec leurs préoccupations très terre à terre et qui obéissent sans état d’âme)
L’histoire en deux mots : le frère d’Antigone est condamné pour traîtrise, son corps ne doit pas être enterré selon les rites funéraires en vigueur. Malgré l’interdit, Antigone va à deux reprises tenter de déposer de la terre sur le corps de son frère – peine perdue, le corps est gardé de près, Antigone sera arrêtée et présentée au roi Créon, son oncle et futur beau-père (cette famille mythologique alors !)
Antigone s’entête dans sa volonté d’enfreindre la loi : son frère doit être enterré, sa famille passe avant les lois de la cité. Créon s’entête tout autant : les lois doivent être appliquées et sont les même pour tout le monde, pas de passe-droit même pour sa nièce.
Plusieurs principes s’affrontent :
– la loyauté vis-à-vis de la famille versus la loyauté d’état
– l’amour versus le devoir
– la « beauté du sacrifice » versus l’envie de vivre
Ce qui donne des échanges poignants entre Antigone et Créon, Antigone et sa sœur.
Cette pièce est présentée comme une apologie de la résistance : la désobéissance peut s’avérer nécessaire face à des décisions totalitaires. Oui. Mais ce qui me révolte, c’est
– la jeunesse d’Antigone, son sacrifice inutile pour un frère qui ne semblait pas tellement s’intéresser à elle (et elle n’avait aucune chance de réussir, c’était suicidaire dès le début)
– l’acharnement de Créon dans sa décision absurde de la condamner à mort si elle n’obéit pas : pourquoi ne pas simplement l’enfermer ? L’emprisonner quelque temps… ou l’exiler, au regard de son jeune âge par exemple, en invoquant une crise d’adolescence. (Je sais que je prends l’histoire au premier degré au lieu de la lire au niveau symbolique, mais je ne peux pas m’en empêcher !)
Et telle est la tragédie, tout le monde doit mourir – sauf « le méchant » !
Plus qu’une apologie de la résistance, cette pièce est pour moi la dénonciation de la peine de mort et de l’abus du pouvoir, incarné par Créon ne veut pas changer d’avis, perdre la face, et reste droit dans ses bottes, provoquant une vague de suicides en cascade, par ricochet : son fils, sa femme… (sorry pour les spoils si vous comptiez le lire, mais le chœur qui introduit la pièce dévoile tout dès le début de toute façon).
Mais je lui reproche de valoriser autant le sacrifice suicidaire d’une jeune fille exaltée, entière, si attachante…
