Quelques souvenirs de la Hell’O Kinky de samedi dernier
J’arrive une demi-heure à l’avance devant les portes des Caves Saint-sabin – je tournais comme une lionne en cage chez moi, autant piétiner devant l’entrée avec d’autres fêtards déjà en place, sentir l’impatience monter, tandis que des personnes se massent derrière nous.
Une amie du staff passe une tête.
— Encore vous ! Ah là là, toujours les mêmes !
Elle ouvre grand les portes du paradis et nous tamponne le poignet. Je considère mon tatouage : une soucoupe volante, un bisou ?
— Innocente va !
Ça y est, je vois : le féminin sacré 😉 je n’étais pas encore dans l’ambiance de la soirée ^^
Le thème de ce soir : Muppet Show ! Nous devrions croiser pas mal de bestioles de tout poil. Je suis restée classique avec mes oreilles pointues et mon collier à grelot : chatte de soirée. Je suis flanquée d’un mignon lapin blanc aux longues oreilles, avec une queue en pompon blanc.
— Tu es Alice au pays des merveilles ? me lance un ami.
Oui ! Car c’est bien là que nous allons… Ce pays, je le connais bien, je l’ai déjà arpenté en tous sens moult fois, avec ses caves et ses alcôves : le coin chill, l’espace shibari, celui consacré aux massages des pieds, les coins câlins au fond. Et les deux dance floors, l’un techno, l’autre… selon l’humeur du DJ ! Parfois c’est plutôt goth, metal, rock, ou bien variétés, tubes…
Je manque de tomber à la renverse en croisant l’organisateur, affublé d’une perruque blonde, d’une truffe et d’une robe rose Barbie : Peggy la cochonne !
Au vestiaire, on me taquine avec un grand sourire (notre petit rituel)
— Encore raté, tu n’as que le ticket numéro 2 !
La Hell’O Kinky, c’est retrouver un cercle d’amis rapprochés (très rapprochés) ! Il y a les irréductibles de la première heure, que l’on croise encore et encore depuis des années (et enfin on s’adresse la parole), et des petits nouveaux aussi qui font leurs premiers pas de danse dans la soirée, et parfois dans l’univers kinky tout court : welcome ! Tous, on s’immergent, on se coulent dans l’ambiance inimitable de la soirée (Il y en a qui ont essayé ^^), une ambiance colorée, kawaï, cosplay, paillettes, inclusive, fetish, où les tenues steampunck, fetish, gothique, pelucheuses, se mêlent en un tableau coloré et joyeux.
C’est l’occasion où jamais de mettre de la couleur : j’ai mis ma robe rouge vif, avec une énorme fleur noire en pendentif à la bonne hauteur, pour masquer mon décolleté plongeant.
Des amis m’encouragent :
— Oh ici il n’y a pas de souci, tu pourrais même être seins nus
— Il y a des photographes quand même, amis et respectueux, c’est vrai (quelle joie de les revoir !) Plus tard peut être..
Finalement, non. Toute exhibitionniste a ses limites 😉
En ce début de soirée, je me soucie surtout de ne pas trop oublier l’heure, je dois rester concentrée sur ce qu’il se passe autour de moi, et ne pas manquer le show… et j’ai manqué le show ! Je ne sais plus où j’étais, je n’ai pas entendu l’annonce au micro, et je suis arrivée devant la scène au moment des applaudissements finaux. J’ai croisé plusieurs fois l’artiste au cours de la soirée ensuite, fascinée par son style. Je n’ai plus qu’à guetter les photos…
Pour l’instant, je me plonge dans la soirée jusqu’au cou, évoluant dans un bain de foule bien chaud comme je les aime. Dans tous les sens du terme ! On se retrouve dans un véritable hammam, j’adore, mais certains deviennent moites et préfèrent rester loin du DJ, ou même se réfugier dans les couloirs à la recherche de fraîcheur.
Deux dance-floors
J’oublie tout en dansant, d’abord sur le dance floor techno dont je ne peux décoller. Le premier DJ me téléporte directement à Berlin, dans le saint des saints des clubs de la ville ! Il nous offre un excellent set qui nous propulse tous au paradis. Buda enchaîne avec un set dont il a le secret, et je me dis que je vais passer ma soirée là, à onduler en rythme avec mon prochain sur cette musique qui nous rend tous dingues. Enfin pas tous, mon lapin blanc est plus branché rock, mais il endure avec le sourire les rythmes trépidants de la techno pour me tenir compagnie. De la techno plus mélodique que dans d’autres soirées, qui nous procure des élans d’euphorie, de joie, de communion, réelle ou fantasmée !
Sous les lumières noires, les beaux motifs dessinés par le body painter deviennent fluo et ajoutent des couleurs mouvantes sur les peaux nues.
Je décide d’aller faire un petit petit tour au bar (mention spéciale pour le sourire et l’efficacité de l’équipe, car en plus, il y a plein de cocktails à la carte à préparer). Et là, je tombe en arrêt : un fameux DJ s’éclate comme jamais et nous offre le meilleur des années 80, toutes les icônes sont au rendez-vous : Kim Wilde, Blondie, Jimmy Summerville et j’en oublie ! Je me retrouve entre deux passionnés incollables qui rivalisent d’érudition : nom, année, album… Quizz musical improvisé ! L’envie de danser le rock me démange, mais la foule se densifie autour de nous. Ce dance-floor spécial « Top 50 eighties » m’enchante, ambiance boom de l’école (est-ce que le grand à lunettes va enfin m’inviter ? Ah ben non, on passe toute la soirée à soupirer, à se jeter des regards en coulisse, et se dérober aussitôt – cela suffisait à mon bonheur à l’époque et à m’occuper toute la soirée, mais dieu merci, j’ai enfin réussi à envoyer ma timidité aux orties, et nous dansons éperdument en flirtant avec les limites de la bienséance).
Le DJ facétieux choisit ensuite des tubes français : Indochine, the best, et d’autres ayant un peu plus mal vieillis, très fun, qui nous font bien rire. On chante à tue-tête, et même les jeunes semblent connaître « Eve lève toi » – La Hell’O kinky, la seule soirée qui ose et tout le monde s’éclate ! Je m’enfuis malgré tout, redoutant « Africa » ou « Partenaires particulier », il y a des limites à mon amour des années 80^^, à la recherche de sonorités plus actuelles, avec un petit regret : et si Dépêche mode revenait ? Quand je refais un tour plus tard, les années 90 sont à l’honneur, et c’est trop bon aussi ! Merveilleuse décennie musicale, des tubes encore et encore. Lady gaga, Nivana… the best of the best !
Les coins câlins
J’ai fureté partout, sauf dans les fameux coins câlins, il est temps d’aller voir ce qui s’y cache ! Munie de mon passeport (un chevalier servant de corvée), je me présente à l’accueil. Un angel garde les porte de ce paradis dans le paradis. Il nous faut montrer patte blanche ! Nous subissons un entretien en bonne et due forme – et j’ai l’impression de le rater !
— Tu es bien consentante?
— Oui
Se tournant vers mon voisin :
— Et toi ?
— Oui !
L’échange des consentements a eu lieu, le mariage peut être consommé 😉
— Vous avez bien lu les écriteaux devant l’entrée ?
— Oui ! (Pieux mensonge, mais bon, depuis le temps que je traine mes guêtres dans ce style de soirées, c’est tout comme !)
— Quel est le safeword ?
Gloups, me voilà prise en flagrant délit de mensonge. Connaissant l’organisateur, c’est peut-être Chaton, Licorne, ou encore Muppets ?
Penaude, j’avoue mon ignorance, et m’en vais lire les écriteaux. Mais je ne vois rien, il fait trop sombre, les lasers m’aveuglent, je n’ai pas les idées claires, les mots dansent devant mes yeux…
Je retourne plaider ma cause devant l’archange, avec un sentiment d’imposture grandissant. Mon âme est toute noire, il a raison de ne pas m’ouvrir les portes.
— Je n’ai pas réussi à lire, mais je connais bien le consentement, cela fait longtemps que je viens à la soirée.
Mon lapin opine en souriant de toutes ses dents de façon inquiétante. L’angel soupire un peu.
— Ok, bon, le safeword c’est Rouge ! Vous rentrez ensemble, et vous sortez ensemble !
Nous approuvons sagement de la tête et le rideau s’ouvre pour nous.
Rouge, tout simplement, bien sûr ! Car comment se rappeler de rhododendron ou cucurbitacée dans un moment de panique ou de stress ?
Il n’y a que nous, nous explorons tous les recoins de ce recoin si bien gardé ! C’est pour cela que la Hell’O kinky a la réputation d’être la soirée kinky la plus safe de Paris, parfaite pour les débutants, les nouveaux venus dans le milieu. D’autres soirées s’adressent à des kinksters plus aguerris, même si le consentement reste bien sûr la base, avec partout des angels qui veillent au grain.
Mon lapin regarde sa montre, il est en retard, il se met à courir vers la sortie (pile au moment où nous nous transformons tous en créatures de la nuit assoiffées de luxure !). Miraculeusement, un soumis errant se présente devant moi, et m’offre un baise-main approximatif.
— À votre service madame, tout ce qui vous fera plaisir !
— Tout ce qui me fera plaisir, vraiment ?
— Oui
— Dans ce cas, retour sur le dance floor techno, tu me feras des petits massages de la nuque et des bras pendant qu’on danse, mais en rythme surtout, j’y tiens ! Sinon, cela va me sortir de ma transe.
Danser tout en étant massée par un soumis motivé et infatigable, rien de tel pour décoller, oublier tout ce qui n’est pas la musique et les autres danseurs avec qui nous échangeons des sourires. Je n’oublie pas non plus mon soumis aux petits soins, il s’applique, soucieux de me faire plaisir (un soumis sans kink particulier, à part celui de satisfaire ces dames, top !). J’en profite pour le griffer et le fesser à l’occasion, le tapoter partout pour faire circuler l’énergie, le rafraîchir d’un glaçon sur sa peau en ébullition, avant de lui proposer de boire un peu de mon coca (je dois prendre soin de lui, je le sens du genre à s’évanouir plutôt que demander l’autorisation d’aller s’assoir ou boire).
(La Hell’O Kinky n’est pas une soirée purement bdsm, mais les adeptes ne manquent pas, la croix de Saint-André rose reste rarement esseulée, et j’ai vu des doigts hérissés de griffes acérées).
Et soudain, il est tard, très tard ! Je m’affole un peu, il est temps de filer avant le chaos au vestiaire (quoique, vu l’organisation millimétrée et hyper efficace, je pense que l’époque de la cohue finale est révolue). Je sais où trouver l’organisateur pour le saluer : il s’est allongé sur un lit de l’espace massage de pieds (qui se poursuivent paresseusement malgré l’heure tardive), pour un moment mi chill mi sieste. Je m’allonge un instant à côté de lui pour un débrief à chaud, mais ne m’attarde guère. Prise par l’ambiance du lieu, je suis à deux doigts d’offrir mes pieds à un amateur, tout en échangeant des anecdotes avec le DJ, histoire d’avoir de quoi raconter dans mon récit de soirée demain. Il me fait un clin d’œil.
— J’ai hâte de le lire !
— Heu, je n’ai rien à dire, j’ai même raté le show, et la soirée est passée un clin d’œil, je n’ai rien fait, c’est la faute des DJ, je suis restée scotchée auprès de l’un l’un puis de l’autre
En réalité mon regard myope a deviné des séances de martinet, de cordes, des étreintes, des griffures, des jeux de breath play, des jeux de séduction, des jeux de soumission… La Hell’O Kinky : une soirée dansante à première vue, mais dès que l’on zoome un peu…
Cependant, 23h-6h c’est bien trop court pour vivre tous ses rêves ! Surtout pour les timides et les anciens timides qui ne rassemblent tout leur courage qu’en deuxième partie de soirée…
Un grand merci à toute l’équipe pour cette soirée dont j’ai apprécié chaque détail : les Caves redécorées de tentures, avec abondance de coussins moelleux, les guirlandes, avec des petites attentions partout : tout le matériel nécessaire sur le stand de prévention, dans les coins câlins, les toilettes, et même de quoi se refaire une beauté !

Les photos officielles (la première d’Eskal Ton, les suivantes de Daniel Power)




